Année 2006

Vous trouverez sur cette page quelques éléments marquants de l'actualité mathématique internationale. Celle-ci n'est bien entendu pas exhaustive ; ne sont donc présentées que les dernières découvertes et les importantes avancées dans les démonstrations de problèmes historiques. Un zeste de physique est aussi au rendez-vous.
 

Nouvelles de 2006

La conjecture de Poincaré

26/12/2006

Énoncée par Henri Poincaré en 1904, cette conjecture – la sphère est le seul espace tridimensionnel fermé dépourvu de trous – a été démontrée en dimension 3 par un mathématicien russe, Grigori Perelman, qui s'est contenté de mettre en ligne une série de trois articles entre 2002 et 2004, laissant à ses collègues mathématiciens le soin de vérifier leur valeur. Et ce n'est qu'en 2006 que cette démonstration à base de flots de Ricci a été validée de façon concluante par les meilleurs spécialistes mondiaux en topologie. La revue Science a d'ailleurs fait de cette démonstration la découverte de l'année.
Cette reconnaissance fut officiellement annoncée lors du congrès international de mathématiques du 22 août 2006 à Madrid au cours duquel la médaille Fields lui fut décernée ainsi qu'à trois autres mathématiciens, parmi lesquels le Français Wendelin Werner, premier probabiliste à recevoir cette médaille. Toutefois, Perelman refusa la médaille Fields et la somme qui l'accompagne, tout comme le million de dollars de la fondation Clay ! Ce problème fait en effet partie des sept problèmes du Prix du millénium listés en l'an 2000. Jusque-là, la conjecture de Poincaré était un problème de topologie non résolu et considéré comme le plus important de la branche de l'étude des formes géométriques souples.

Simple à démontrer en dimension 2, la conjecture de Poincaré était plus difficile à établir pour les autres dimensions. Sa formulation exacte est : « Considérons une variété compacte V à 3 dimensions sans bord. Est-il possible que le groupe fondamental de V soit trivial bien que V ne soit pas homéomorphe à une sphère de dimension 3 ? ».
Notons pour l'anecdote que Poincaré ajouta : « mais cette question nous entraînerait trop loin ».
En 1961, Stephen Smale l'a démontrée pour une dimension supérieure ou égale à 5 et Michael Freedman l'a établie en 1982 pour la dimension 4 (de loin la démonstration la plus difficile). Ces deux personnes avaient d'ailleurs eu la médaille Fields pour ces démonstrations !

Le cent dix-huitième élément

10/10/2006

Le tableau périodique de Mendeleïev vient de s'agrandir et accueille désormais son cent dix-huitième élément chimique !
Pendant à peine un millième de seconde, des scientifiques américains et russes ont réussi à observer cet élément instable dont le noyau comporte Z=118 protons. Son nom provisoire est l'ununoctium, noté « Uuo », et se place dans la colonne des gaz rares, au même titre que l'hélium, le néon, l'argon, le krypton, le xénon et le radon.

C'est dans l'accélérateur de particules de Doubna, près de Moscou, que cet élément synthétique a été obtenu. Le 10 octobre 2006, trois atomes d'ununoctium sont créés par l'envoi d'atomes de calcium (Z=20) sur une cible d'atomes de californium (Z=98). Il a fallu plus de dix milliards de milliards de collisions à une vitesse d'un dixième de celle de la lumière pour obtenir ces trois éphémères atomes nés de la fusion des noyaux de ces deux types d'atomes lorsque la force d'attraction nucléaire surpasse la répulsion électrique.

Les physiciens sont maintenant en quête de l'îlot de stabilité depuis longtemps soupçonné entre les éléments 110 et 120 de la classification périodique. Peut-être des isotopes de l'ununoctium en font-ils partie et peuvent exister plusieurs minutes avant de se fragmenter.

100 000 décimales de pi

04/10/2006

Le Japonais Akira Haraguchi a récité de mémoire le 4 octobre 2006 cent mille décimales de la constante mathématique pi, battant de fait le précédent record du monde... qu'il avait lui-même établi l'an passé !
Il lui a fallu seize heures de récitation à l'Université de Kazusa pour arriver à cet exploit. Haraguchi précise modestement qu'il n'est qu'« un homme ordinaire, certainement pas un génie ». Tout comme en juillet 2005 où il avait récité 83 431 décimales, il explique qu'il retient les chiffres simplement en mémorisant des mots japonais qui riment. Il va demander à entrer dans le Livre des records.

Prix Nobel de physique

03/10/2006

Le prix Nobel de physique 2006 a été remis le 3 octobre par l'Académie royale des sciences de Suède aux deux chercheurs américains John Mather, astrophysicien au Goddard Space Flight Center de la NASA, et George Smoot, professeur de physique à l'Université de Californie (Berkeley), pour leurs travaux sur le rayonnement fossile de l'univers. Ils ont été les premiers à mettre en évidence les petites variations de température du fond diffus cosmologique, un rayonnement électromagnétique provenant de l'univers.
Ce rayonnement fossile de 3 K est considéré comme le vestige de l'époque dense et chaude qu'a connue l'univers primordial il y a environ 13 milliards d'années, conformément aux prédictions d'un univers en expansion selon les modèles théoriques du Big Bang. Sa découverte en 1964 avait valu un prix Nobel à Arno Penzias et Robert Wilson.

Le plus grand nombre premier

11/09/2006

Le plus grand nombre premier découvert à ce jour a été trouvé le 4 septembre 2006 par les docteurs Curtis Cooper et Steven Boone, professeurs dans une Université au Missouri, dans le cadre de GIMPS (Great Internet Mersenne Prime Search) :

232 582 657 - 1.

Il comporte 9 808 358 chiffres et devient le quarante-quatrième nombre premier de Mersenne connu ; ils n'ont en effet pas tous été testés à partir du trente-neuvième découvert en 2001 et possédant 4 053 946 chiffres. Quoi qu'il en soit, ce nouveau nombre premier surpasse le précédent plus grand nombre premier trouvé par ces deux mêmes personnes le 15 décembre 2005 : 230 402 457 - 1 qui comporte 9 152 052 chiffres.

N'oublions pas qu'une fondation américaine, the Electronic Frontier Foundation, a promis 100 000 dollars à la première personne qui trouvera un nombre premier comportant plus de dix millions de chiffres.

Pluton déshonorée du titre de planète

24/08/2006

Le 24 août 2006, les membres de l'Union Astronomique Internationale (UAI) réunis pour leur 26e assemblée générale à Prague ont rétrogradé la neuvième et plus petite planète du système solaire au rang de naine, à l'issue de dix jours de discussions puis d'un vote à main levée d'environ 400 scientifiques et astronomes.
Pluton avait été découverte en 1930 par l'Américain Clyde Tombaugh ; son diamètre de 2 300 km est cinq fois plus petit que celui de la Terre et correspond aux deux tiers de celui de la Lune. Son orbite suit une inclinaison bien différente du plan de l'écliptique.
Pluton a désormais pour désignation officielle (134340) Pluton où le numéro indique sa place dans le catalogue des objets mineurs du système solaire.

Jusque-là, la définition d'une planète était très floue. Désormais, « une planète est un corps céleste qui est en orbite autour du Soleil, qui possède une masse suffisante pour que sa gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique sous forme sphérique, et qui a éliminé tout corps se déplaçant sur une orbite proche ».
Pluton vérifie toutes ces conditions sauf la dernière (des corps célestes, comme des astéroïdes de la ceinture de Kuiper, se trouvent sur son orbite), ce qui fait que c'est une naine, une nouvelle catégorie regroupant aussi Éris et Cérès, le premier astéroïde découvert.

Les manuels scolaires et les livres d'astronomie du monde entier vont donc devoir être révisés. En effet, le système solaire ne comporte désormais plus que huit planètes : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.
« Messieurs, votre trahison m'écœure : jouer sur une nomenclature ! » (procédé mnémotechnique trouvé par Philippe Mercure de Montréal)

Conjecture de Syracuse presque vraie

10/04/2006

La conjecture de Syracuse est simple : on considère un nombre entier naturel supérieur ou égal à 2 ; s'il est pair, on le divise par 2 ; s'il est impair, on le multiplie par 3 et on ajoute 1. En réitérant plusieurs fois le procédé, on obtient une suite de nombres qui est conjecturée toujours aboutir à 1. Par exemple, à partir du nombre 6, on définit la suite : 6, 3, 10, 5, 16, 8, 4, 2, 1.
Malgré son apparente simplicité, cette conjecture aussi appelée conjecture de Collatz ou conjecture d'Ulam, résiste aux mathématiciens du monde entier depuis 1930.

Alain Slakmon et Luc Macot, professeurs de mathématiques et de physique au Collège de Bois-de-Boulogne à Montréal, ont trouvé une démonstration d'une dizaine de pages, publiée dans la revue scientifique Statistics and Probability Letters, prouvant que cette conjecture est presque vraie. À l'aide de la théorie de la probabilité, ils prouvent que la possibilité que la conjecture soit fausse est infiniment petite.

Prix Abel 2006 à Lennart Carleson pour ses travaux en analyse harmonique

23/03/2006

L'Académie norvégienne des Sciences et des Lettres a remis au mathématicien suédois Lennart Carleson ce prix pour couronner l'ensemble de son œuvre en analyse de Fourier, la branche des mathématiques qui étudie la représentation des fonctions ou des signaux comme superposition d'ondes de base. Il a résolu de nombreux problèmes difficiles et contribué dans plusieurs domaines des mathématiques.

Le Comité précise que « les travaux de Carleson ont changé pour toujours notre vision de l'analyse. Il a non seulement démontré des problèmes très difficiles, mais les méthodes qu'il a introduites dans ses preuves se sont révélées aussi importantes que les théorèmes eux-mêmes. »

Jean-Marie de Koninck élu scientifique de l'année

21/01/2006

Le mathématicien, vulgarisateur et commentateur sportif Jean-Marie de Koninck a été élu scientifique québécois de l'année 2005 par Radio-Canada. Devant la foule de journalistes présents dans la salle pour la remise du prix, il a plié une feuille de papier six fois d'affilée puis a lancé en souriant : « si j'avais pu la plier 42 fois, elle aurait été assez épaisse pour toucher la Lune ».
Il suffit en effet de multiplier l'épaisseur de la feuille (0,1 mm) par 242 pour se rendre compte que cette longueur dépasse la distance entre la Terre et la Lune. Il a alors ajouté : « c'est plus fort que moi ; je ne peux jamais m'empêcher de faire des mathématiques ! »

Il est notamment l'auteur de plus d'une cinquantaine d'articles publiés dans des revues scientifiques avec comité de lecture, d'une série télévisée de vulgarisation mathématique de 29 épisodes et de livres de théorie analytique des nombres.

 

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