Iam deiectus equo

Quelques épitaphes de Jean Dorat traduites par les participants des forums de langues anciennes.
 

Caligula nous traduit l'épitaphe écrite par Jean Dorat pour le maréchal et duc François de Montmorency. Il nous propose deux versions rimées : l'une moderne, l'autre en un style imitant celui du XVIe siècle.

Iam deiectus equo

Iam deiectus equo

Iam deiectus equo, mente indeiectus ab alta,
     Dum iacet in patrio saucius Anna solo,
Sanguine foedatus uultum hostilique suoque,
     Sicut in hastifrago turbine prociderat,
Atque ita uix fido tandem deprensus alumno
     Sanzaeo, ad flentem talia fortis ait.
I, mihi fide comes – neque te mea cura moretur –
     I, citus ad socios fer mea uerba duces.
Terga premant hostis, nostra est uictoria nostra,
     Ne labi e manibus certa trophaea sinant.
Dixit, & iniecto uelari corpus amictu,
     Ne sua sors alios terreat, ipse iubet.
Sic positus, dureque iacens, dum membra feretro
     Tolleret expectat, qui modo missus erat.
Ut rediit, tandemque ab humo membra aegra iacentis
     Substulit, ad Regem rursus adire iubet.
Et si dux quid agat quaerat, quo summa loco res :
     Dicere res Regis, res bene habere suas.
Nam Regi sua regna ducis stabilita periclo,
     Fusum hostem turpi terga dedisse fugae.
Se praeclare hodie secum & feliciter actum
     Ducere, de superum nec bonitate queri
Cui quod adhuc uiuus uotis pene improbus usque
     Omnibus optasset, iam deus annuerit.
Pro Regis regnique omnis patriaeque salute
     Posse mori, & decus hoc mortis habere suae.

Io. Auratus

Désarçonné

Anne désarçonné, maître de son esprit,
     Gisait, blessé, sur le sol de ses pères,
Face enlaidie de sangs, et sien et ennemi,
     Rude tournoi où lances se brisèrent.
Sancy, quand même sûr, le découvrit ainsi
     Vassal en pleurs que le Brave encourage :
« Sans t'attarder pour moi ; va, mon fidèle ami,
     Cours vers nos ducs leur porter ce message :
« Qu'ils forcent l'ennemi ; la victoire est à nous
     Un sûr trophée est à notre portée. »
Ayant parlé, il fit cacher son corps dessous
     Un grand manteau pour que sa destinée
N'effraie autrui. Gisant rudement il attend
     Que le jeune homme et un brancard reviennent.
Quand il vint pour donner son soutien au mourant
     Le Duc l'envoie au Roi. Et si des peines
Du Duc le Roi s'enquiert ou du sort de l'État :
     Qu'il dise au Roi : la victoire est complète.
Les épreuves du Duc ont rétabli l'État,
     Et l'ennemi eut honteuse défaite.
Et qu'en ce jour, le Duc s'illustra grandement :
     Il ne se plaint de la bonté divine
Puisque de son vivant – presque excessivement –
     Il fit des vœux que Dieu même entérine :
Mourir pour le salut du Royaume, du Roi
     Et de sa terre en un si noble exploit.

Traduction de Caligula

 

Tombé de son cheval

Tombé de son cheval, maistre de son esprit,
     Anne gisoit sur sa terre, en souffrance,
Le chef hydeux de sangs et sien et ennemy,
     Ainsy qu'il chut en tournoy brise-lance,
Et enfin descouvert par le féal Sancy
     Quy versoit pleurs, le brave l'encourage :
« Ne t'attarde à mes soings, va, mon féal amy,
     Cours vers nos ducs leur porter ce message :
Qu'ils poussent l'ennemy ! La victoyre est à nous !
     Que de nos mains n'eschappe un seur trophée ! »
Puis ayant dict, il fit cacher son corps debsous
     Un grand manteau pour que sa destinée
N'effraye autrui. Il gist rudement, attendant
     Du messager le soulas ¹ de ses gênes ².
À son retour, il veut donner aide au mourant
     Quy le renvoye au roy. Et si des peines
Du duc le roy s'enquiert ou du sort de l'État :
     Qu'il dise au roy : la victoyre est complète.
Les espreuves du duc ont restabli l'État,
     Et l'ennemy eut honteuse défaicte.
Et que meshuy ³ le duc s'illustra grandement :
     Il ne se plaint de la bonté divine
Puysque de son vivant – presque excessivement –
     Il fict des vœulx que Dieu même entérine :
Mourir pour le salut du royaulme, du roy
     Et de sa terre en un si noble esployct.

Traduction de Caligula

 

¹ Soulagement, réconfort.

² Souffrances.

³ Aujourd'hui.

 

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