Carmina (I à V)

Document PDF à téléchargerLes Carmina de Catulle sont téléchargeables dans une version PDF PDF pour en faciliter la consultation et l'impression. Iulius, participant actif aux forums de langues anciennes, propose une traduction en vers rimés selon les règles poétiques classiques, ainsi que la plupart des commentaires de cette page.
 

Qui était Catulle ?

Né à Vérone vers 87 et mort vers 54 avant Jésus-Christ, Caius Valerius Catullus, dit « Catulle le Véronais », est contemporain de César et de Cicéron. Issu d'une riche famille – ses parents possèdent la presqu'île de Sirmione, à la pointe du lac de Garde – et de rang distingué – c'était en effet chez son père que Jules César descendait lorsqu'il passait par Vérone –, il est très attaché à sa Vérone natale.

Valerium Catullum, a quo sibi uersiculis de Mamurra perpetua stigmata imposita non dissimulauerat, satis facientem eadem die adhibuit cenae hospitioque patris eius, sicut consuerat, uti perseuerauit.

Il avouait que Valerius Catullus, dans ses vers sur Mamurra, l'avait marqué d'une flétrissure ineffaçable ; et pourtant, quand le poète s'excusa, il l'admit le jour même à sa table. Il n'avait pas même interrompu les relations d'hospitalité qui l'unissaient au père du poète. (Suétone, Vie de Jules César, 73.)

Catulle fait partie d'un mouvement de jeunes poètes qui ont renouvelé la poésie ; Cicéron, qui n'appréciait pas les poètes novateurs, les appelait « neôteroi » en grec, c'est-à-dire « les petits jeunes ». C'est ainsi que le mouvement du néotérisme est né, ces poètes se dénommant alors poetae noui.
Nombreux sont ceux qui voient en Catulle le maître incontesté en poésie lyrique. Il atteint les sommets de l'art par un mélange de violence et de douceur, d'injures et d'éloges, de crudité et de suavité, tout en restant partout sincère. Il introduisit les mètres lesbiens dans la poésie latine.

On peut distinguer trois parties distinctes dans son recueil :

L'amitié joue un rôle prépondérant dans toute l'œuvre de Catulle. Il est en effet très attaché à Lesbie, le premier amour de sa vie, au frère qui mourra jeune en Asie, sur le tombeau duquel il se recueillera lors de son propre voyage à Troie, et à ses amis.
Or, le drame catullien provient du fait que ses trois attachements se sont soldés par des échecs : Lesbie le trompe, son frère meurt et ses amis le déçoivent. Cette souffrance transparaît dans la grande majorité de ses poèmes.

Carmen I

Ad Cornelium

Cui dono lepidum nouum libellum
Arida modo pumice expolitum ?
Corneli, tibi ; namque tu solebas
Meas esse aliquid putare nugas
Iam tum cum ausus es unus Italorum
Omne aeuum tribus explicare cartis
Doctis, Iuppiter, et laboriosis.
Quare habe tibi quicquid hoc libelli
Qualecumque ; quod, o patrona uirgo,
Plus uno maneat perenne saeclo !

Catullus

À Cornélius

À qui donner ma fraîche œuvre jolie
Que l'âpre ponce a ce matin polie ?
À toi Cornélius ; toi qui souvent
Envers mes riens te montrais bienveillant
Quand hardiment tu contais tous les âges,
Seul des Italiens, en trois ouvrages
– Quel travail, Jupiter, docte et ardu !
Reçois donc du recueil le contenu
Et tel qu'il est ; ô Vierge tutélaire,
Que sa pérennité soit séculaire !

Traduction de Iulius

 

Commentaires

Sauf mention explicite du contraire, le type de vers utilisé par Catulle dans ses poésies est l'hendécasyllabe phalécien (hendecasyllabus Phalaeceus), qui peut être de deux types différents :

Traditionnellement, un recueil s'ouvre par une dédicace à un mécène ou à un ami que la poésie permet d'immortaliser ; une référence à la Muse doit aussi être faite. Notons cependant que Catulle apporte à cette dernière une attention irrévérencieuse puisqu'il utilise le relatif de liaison neutre dépréciatif quod et fait de la Muse une Vierge, simple patronne – « patrona uirgo » – qui plus est !

Il est à noter qu'une fois l'ouvrage écrit sur des feuilles de papyrus, les deux extrémités du rouleau (uolumen) étaient frottées à la pierre ponce (pumex) afin de les rendre plus agréables (lepidum) à l'œil.

L'élan du texte montre la joie que Catulle éprouve à dédier le petit livre, ou opuscule, qu'il vient d'écrire à Cornélius. L'emploi du présent dono et la question rhétorique soulignent le fait que c'est la seule personne à même de recevoir son libelle. Cornélius Népos, tout comme Catulle, est originaire du nord de l'Italie. Il lui survécut plus de vingt ans et lui rendit hommage dans la Vie d'Atticus (XII, 4) écrite vers l'an 35 :

L. Iulium Calidum, quem post Lucretii Catullique mortem multo elegantissimum poetam nostram tulisse aetatem vere videor posse contendere [...]

L. Julius Calidus qui fut, selon moi, depuis la mort de Lucrèce et de Catulle, le meilleur poète que notre siècle ait produit [...]

Lorsqu'il écrivit ce poème, vers les années 60, aucune histoire universelle n'avait encore été écrite. C'est pourquoi Népos est « unus Italorum ». Varron sera le second à l'être. En tout cas, le « laboriosis » renvoie à un véritable travail de Romain !

Il y a une synérèse sur le premier mot du poème : « cui », aussi trouvé sous l'archaïsme « quoi ».
En ce qui concerne « arida modo », de nombreux textes suivent l'assonance « arido modo ».
Par l'intermédiaire des nugae, Catulle fait un ironique clin d'œil aux détracteurs de son art, tout en se montrant modeste.

Relativement à la traduction que Iulius propose, l'adjectif « fraîche » est bien sûr à prendre au sens figuré et renvoit à l'image de la « peinture fraîche » : le livre est tout frais, tout beau, à l'instant sorti du polissage.
Au lieu du poétique « ce matin », il est possible d'utiliser l'adverbe « naguère » qui traduit exactement le « modo » de Catulle, mais donc l'acception en ce sens est de nos jours surannée en français.
Le terme de « patronne » n'est pas très revalorisant en français ; il a donc fait le choix de « tutélaire ».
Le dernier vers tente de conserve le style pompeux de l'original ; une traduction moderne donnerait :

Ô Vierge protectrice,
Que plus d'un siècle il trône au box-office !

Autres traductions

De nombreuses variantes ont été proposées sur les forums, parmi lesquelles :

À qui donner mon neuf et beau libelle
Qu'un caillou sec vient juste de poncer ?
À toi Népos ; en effet tu soulais
Voir quelque chose entre mes bagatelles,
Quand tu osas, seul des Italiens
Développer tout notre âge en trois livres,
Par Jupiter, et doctes et pénibles.
Cueille quoi que ce soit de ce recueil
Et tel qu'il est ; car, ô vierge patronne,
Puisse-t-il être éternel plus d'un siècle.

Traduction de Caligula

À qui donner mon neuf et beau libelle
Qu'un caillou sec vient juste de poncer ?
À toi Cornélius ; puisque toi tu soulais
Considérer mes bagatelles
Quand tu osas, seul des Italiens
Développer tout notre âge en trois bibles
Par Jupiter, et doctes et pénibles.
Extrais de ce recueil n'importe de ses riens
Quoi que soit sa valeur ; mais, ô vierge patronne,
Qu'au-delà d'un seul siècle à jamais il rayonne !

Traduction rimée de Caligula

À qui donner ce joli livre neuf
Qu'a fraîchement poli la ponce sèche.
Il est pour toi, Cornélius qui trouvas
Quelque valeur à ces colifichets,
Quand, seul des Italiens, tu pris l'audace
De raconter l'Histoire en trois volumes,
Docte travail par Zeus, et laborieux...
Accepte donc de ce livret la somme
Telle qu'elle est. Ô Vierge tutélaire,
Garde-le jeune au-delà d'un bon siècle.

Traduction de Henri Tournier

À qui te donner, mignon livret neuf
Que vient de polir la ponce rugueuse ?
À toi, Cornélius, qui avais coutume
De trouver un prix à ces bagatelles,
Quand tu osas, seul des Italiens
En trois grands recueils dérouler l'Histoire
– Quel travail, par Zeus, docte et laborieux !
Reçois donc, ami, ce petit libelle :
Il vaut ce qu'il vaut. Vierge tutélaire,
Qu'il demeure jeune au-delà d'un siècle.

Traduction de Henri Tournier

À qui te dédier, charmant libelle neuf
Qu'une rugueuse ponce a tout juste poli ?
À toi, Cornélius ; car tu ne laissais pas
D'attacher quelque prix à mes futilités
Dès lors que tu tentas, seul des Italiens,
De dérouler l'entière Histoire en trois volumes
Savants, par Jupiter, mais bien laborieux.
Accepte donc pour toi du recueil ce poème
Quel qu'il soit ; puisse-t-il, ô protectrice vierge,
En l'état demeurer au-delà d'un seul siècle.

Traduction en alexandrins de Iulius

À qui donner ce charmant livret neuf
Qu'a tout juste poli la sèche ponce ?
À toi Cornélius ; car tu soulais
Attacher quelque prix à mes vétilles
Quand tu osas, seul des Italiens,
Dérouler tout notre âge en trois volumes
Par Jupiter, laborieux et doctes.
Accepte donc du recueil ce poème
Quel qu'il soit ; puisse-t-il, patronne Vierge,
En l'état demeurer plus d'un seul siècle !

Traduction de Iulius

 

Carmen II

Fletus passeris Lesbiae

Passer, deliciae meae puellae,
Quicum ludere quem in sinu tenere,
Cui primum digitum dare appetenti,
Et acris solet incitare morsus,
Cum, desiderio meo nitenti,
Carum nescio quid lubet iocari
Et solaciolum sui doloris,
Credo ut tum grauis acquiescat ardor,
Tecum ludere sicut ipsa possem
Et tristis animi leuare curas !

Catullus

Complainte sur le moineau de Lesbie

Petit moineau, plaisir de ma maîtresse,
Amusement qu'en son sein elle presse,
Auquel son doigt elle offre à becqueter
Car l'âcre plaie il lui plaît de causer
Lorsqu'elle cherche, astre de ma demande,
Un je ne sais quel jeu qui la détende
Pour apaiser quelque peu sa douleur
Et soulager, je crois, sa folle ardeur,
Qu'avec toi je voudrais même allégresse
Pour alléger mon cœur de sa tristesse !

Traduction de Iulius

 

Commentaires

La passion de Catulle pour Lesbie domine toute son œuvre lyrique. Il l'a rencontrée dans le monde aristocratique et corrompu qu'il fréquentait à Rome. Bien qu'elle fût mariée, Catulle s'en accommodait, tout comme de ses infidélités passagères. Il souffrit de son indifférence lorsqu'il perdit son frère en Asie.
Cependant, il vint un moment où il ne put supporter plus longtemps ses rivaux. Leur relation dura environ quatre ans ; Catulle nous en raconta tout, sincère et impétueux, jusqu'au poignant adieu définitif.

Il semble que Lesbie soit en réalité Clodia, célèbre par sa beauté et ses mœurs libertines. Elle était la sœur de P. Clodius Pulcher, l'ennemi de Cicéron, et la femme de Q. Metellus Celer, consul en 60 et mort en 59 empoisonné, dit-on, par elle.

Ce poème se situe dans la tradition littéraire qui fait intervenir les animaux familiers. Une de ses singularités est qu'il commence par un vocatif : le moineau est invoqué tel un dieu. De plus, les homéotéleutes en « ae » confèrent un effet incantatoire. Le poème n'est en outre constitué que d'une seule phrase avec moult pronoms relatifs, souvent difficiles à rendre en français.
L'asyndète du deuxième vers est à noter ; dans une autre traduction, Iulius la rend par « folâtrant sur sa poitrine ».

Le « primum digitum » n'est cependant pas entièrement traduit. Une traduction précédente avait l'avantage de le rendre explicitement, mais c'était au détriment d'« appetenti » et de « solet incitare ». De plus, l'actuelle reprise en homonymie suggestive de « plaie/plaît » est intéressante.

Auquel le bout du doigt elle offre à voir
Car la vive morsure est son vouloir

Fait surprenant, Lesbie joue à se consoler. Le champ lexical du jeu est omniprésent dans le poème. Et cela accentue la distance dans l'amour : Lesbie parvient à jouer dans son amour, tandis que Catulle n'y arrive pas. Celui-ci, bien au contraire, souffre profondément.

Le terme « desiderium » désigne, par transfert, « l'objet de mes désirs » et concorde avec le sens général du poème et le délaissement de Catulle. En ce qui concerne « nitenti », il s'agit du verbe « nitere » (briller, luire) car la scansion de l'hendécasyllabe phalécien donne un « i » bref. D'où la traduction d'« astre de ma demande », assurément perfectible mais qui doit rentrer dans le schéma métrique.

Il est indéniable que ce poème peut être interprété de nombreuses façons. Sous une ingénue apparence, Catulle décrit les faits et gestes de Lesbie avec son moineau. Mais ne devons-nous pas voir plus loin que cela ? Une allégorie plus poussée d'un Catulle fantasmant et où le moineau n'est qu'un prétexte ? Lesbie éprouve-t-elle un désir ou en est-elle l'objet ? À partir de quand la fiction cède à la réalité ?
Par ailleurs, une lectio difficiliora donne « desiderio mei intuentis » qui a plutôt le sens de « porter ses regards », « tourner ses pensées vers le désir [de la chair de Catulle ?] ». C'est dans cette perspective qu'Henri Tournier traduisit l'expression et que Iulius propose une variante, soulignant l'excitation sensuelle de Lesbie :

Lorsque par mon désir émoustillée
Elle trouve un plaisir qui la récrée
Mais que j'ignore, apaisant sa douleur
Et soulageant, je crois, sa folle ardeur,

Au-delà des faits rapportés, et que l'on peut prendre à la lettre, il est loisible de voir de multiples facettes dans le jeu lesbien, pardon, de Lesbie. Que si le poème avait commencé par « Felis deliciae meae puellae », sa face en eût été changée...

Autres traductions

Gentil moineau, délices de ma belle,
Dont elle joue, qu'elle cache en son sein,
Auquel son doigt elle offre à becqueter,
Et dont elle aime à vouloir les morsures,
Lorsqu'elle cherche, impatiente de moi,
Quelque agrément dont j'ignore le charme
Pour consoler quelque peu sa douleur
Et pour calmer, je crois, sa passion folle,
Qu'avec toi je voudrais ainsi jouer
Pour alléger mon cœur de son ennui !

Traduction de Henri Tournier

Petit moineau, délices de ma belle,
Avec qui, folâtrant sur sa poitrine,
Le laissant becqueter le bout du doigt,
Aimant causer de piquantes morsures,
Quand se trouvant, beauté de mes désirs,
Quelque agrément dont j'ignore le charme,
Elle soulage un peu son amertume
Pour apaiser, je pense, une ardeur vive,
Puissé-je en jouant comme elle avec toi
Alléger mon cœur de tristes soucis !

Traduction de Iulius

 

Carmen IIb

Tam gratum est mihi quam ferunt puellae
Pernici aureolum fuisse malum,
Quod zonam soluit diu negatam.

Catullus

J'en suis charmé comme, dit-on, l'agile
Fille le fut par cette pomme d'or
Qui permit un hymen longtemps hostile.

Traduction de Iulius

 

Commentaires

Une lacune semble être présente à la fin du deuxième poème ; de nombreuses lectures s'accordent à y adjoindre les trois vers ci-dessus.

Ceux-ci renvoient à une légende grecque qui contait que la jeune Atalante avait proclamé qu'elle ne prendrait pour époux que celui qui parviendrait à la vaincre à la course. Tous les prétendants échouèrent, d'où les adjectifs « agile », « preste » et « véloce » qui la qualifient. Il advint qu'un certain Hippomène utilisa une ruse consistant à jeter au beau milieu de la course une pomme d'or qui lui fut donnée par Aphrodite. Atalante se précipita pour la ramasser, ce qui lui fit perdre un temps précieux et la course.

À la lueur de cette explication, le dernier vers du poème signifie que la pomme d'or détacha la ceinture longtemps refusée d'Atalante. Pour garder l'image du lien – inversant le déliement de la ceinture, mais soulignant le lien du mariage (« soluere zonam » étant la transcription mot à mot du grec « délier la ceinture » qui signifie « marier ») –, il est possible d'avoir, dans un registre plus familier, « Qui ficela l'hymen longtemps hostile. » Iulius utilise au passage une brachylogie de l'expression « être hostile à ».

 

Carmen III

Luctus in morte passeris

Lugete, o Veneres Cupidinesque,
Et quantum est hominum uenustiorum !
Passer mortuus est meae puellae,
Passer, deliciae meae puellae,
Quem plus illa oculis suis amabat :
Nam mellitus erat suamque norat
Ipsam tam bene quam puella matrem,
Nec sese a gremio illius mouebat,
Sed circumsiliens modo huc modo illuc
Ad solam dominam usque pipiabat.
Qui nunc it per iter tenebricosum
Illuc, unde negant redire quemquam.
At uobis male sit, malae tenebrae
Orci, quae omnia bella deuoratis :
Tam bellum mihi passerem abstulistis.
O factum male ! O miselle passer !
Tua nunc opera meae puellae
Flendo turgiduli rubent ocelli.

Catullus

Deuil du moineau

Lamentez-vous, Cupidons et Vénus,
Et vous, humains par l'élégance émus !
Car il est mort le moineau de ma belle,
Ce doux moineau, délices de ma belle,
Qu'elle prisait plus que ses propres yeux
Puisqu'il la connaissait, lui, tout soyeux,
Aussi bien qu'une enfant connaît sa mère.
Du sein d'icelle il ne s'éloignait guère,
De-ci de-là sans cesse il sautillait,
Pour sa seule maîtresse il pépiait.
L'obscurité maintenant il sillonne
Vers là d'où ne revient, dit-on, personne.
Soyez maudits, enfers abominés
D'Orcus qui les beautés engloutissez :
Vous m'avez pris mon moineau plein de grâce.
Pauvre petit moineau, quelle disgrâce !
Et ma beauté par ta faute en sanglots
A maintenant les yeux rouges et gros.

Traduction de Iulius

 

Commentaires

Ce troisième poème fait suite au précédent. Plus que la mort du moineau, c'est la mort de l'amour qui est représentée dans ce poème. Lesbie n'est d'ailleurs toujours pas l'interlocutrice du poète ; l'amour distant le fait encore souffrir. Et le poème met le ton d'emblée par l'impératif « lugete ».

Les Veneres forment un groupe constitué par Vénus et d'autres divinités de l'amour. Il est possible, dans un souci d'adaptation française, de les assimiler aux Gratiae, les Grâces, ou Charités grecques, qui sont au nombre de trois (Aglaé, Euphrosyne et Thalie). Quant aux Cupidons, ce sont les petits Amours.

L'adjectif « uenustus » au deuxième vers est un génitif de qualité : c'est tout ce qui appartient au monde de Vénus, c'est-à-dire à la beauté, donc ce qui excite le désir. Les hommes de goût savent l'apprécier et se doivent en conséquence de pleurer.

Une variante proposée par Iulius pour rendre le double « Vénus » est :

Lamentez-vous, Cupidons et Vénus,
Et vous, humains par la vénusté mus !

Les troisième et quatrième vers – ce dernier étant la reprise du premier vers du précédent poème – conservent un ton incantatoire grâce aux allitérations en « m » et « p », et aux homéotéleutes en « ae ». Il est difficile de rendre en français à la fois l'anaphore de « passer » et l'épiphore de « meae puellae ». Il est peut-être préférable de conserver cette dernière puisque c'est celle qui est la plus mise en valeur à la rime. Constatons au passage que les seuls termes qui changent entre les deux vers sont « mortuus » et « deliciae » : serait-ce un premier pas vers l'abandon de Catulle ?

Remarquons la rapidité monosyllabique du début du vers « Qui nunc it per iter tenebricosum » qui se termine par un mot d'une longueur infernale.

Orcus est le dieu des enfers. Il s'appelle aussi Dis (le riche) et Vaeiouis (Jupiter sinistre). Il correspond au grec Hadès (celui qui rend invisible), aussi appelé Pluton (dieu des richesses souterraines).

Enfin, pour éviter de terminer le poème sur l'adjectif « gros » (vultueux), une autre variante est proposée par Iulius pour les deux vers finals :

Et ma maîtresse a les yeux larmoyants
Par ta faute bouffis et rubescents.

Notons enfin que Racine reprend dans le Phèdre (II, 1), par la bouche d'Ismène, les vers 11 et 12 :

« Mais qu'il n'a pu sortir de ce triste séjour,
Et repasser les bords qu'on passe sans retour. »

Autres traductions

Pleurez, ô vous les Amours et les Grâces,
Tous ceux qui sont de l'amour amoureux !
Le voici mort le moineau de ma mie,
Gentil moineau qui faisait ses délices
Et qu'elle aimait plus que ses propres yeux.
Miel il était : il la reconnaissait
Comme une enfant reconnaît sa maman.
De son giron il ne s'éloignait guère
Mais sautillant tantôt ci tantôt là
Ne pépiait que devant sa maîtresse.
Voici qu'il va par chemins ténébreux
Là-bas, dit-on, d'où ne revient personne.
Maudites soient les ténèbres d'Orcus
Qui, dévorant toutes les jolies choses,
M'avez ravi un si gentil moineau !
Quel crime affreux ! Ô malheureux moineau !
C'est de ton fait si les yeux de ma mie
De tant pleurer sont rouges et gonflés.

Traduction 4/6 de Iulia

Vous tous qui savez bien ce que c'est que d'aimer,
Et vous Divinités de l'amour, gémissez !
Il est mort le moineau qui était à ma mie,
Le moineau qui faisait le bonheur de ma mie.
Plus que ses propres yeux elle le chérissait
C'est qu'il était si doux et la reconnaissait
Comme une enfant qui sait reconnaître sa mère.
Il ne quittait jamais le sein où il se serre.
Il sautillait parfois çà et là et sans cesse,
Avec des cris d'enfant appelait sa maîtresse.
Désormais il suit un chemin crépusculaire
Là d'où nul ne saurait revenir en arrière.
Maudites soyez vous, ténèbres infernales
Qui pour ce qui est beau êtes toujours fatales.
Vous m'avez enlevé un si joli moineau.
Quel horrible forfait ! Pauvre petit moineau,
C'est à cause de toi qu'exorbités rougissent
Les yeux de ma Lesbie qui de larmes s'emplissent.

Traduction en alexandrins rimés d'Oncle Fétide

 

Carmen IV

Dedicatio phaseli

Phaselus ille quem uidetis, hospites,
Ait fuisse nauium celerrimus,
Neque ullius natantis impetum trabis
Nequisse praeterire, siue palmulis
Opus foret uolare siue linteo.
Et hoc negat minacis Adriatici
Negare litus insulasue Cycladas
Rhodumue nobilem horridamue Thraciam
Propontida trucemue Ponticum sinum,
Vbi iste post phaselus antea fuit
Comata silua ; nam Cytorio in iugo
Loquente saepe sibilum edidit coma.
Amastri Pontica et Cytore buxifer,
Tibi haec fuisse et esse cognitissima
Ait phaselus : ultima ex origine
Tuo stetisse dicit in cacumine,
Tuo imbuisse palmulas in aequore,
Et inde tot per impotentia freta
Herum tulisse, laeua siue dextera
Vocaret aura, siue utrumque Iuppiter
Simul secundus incidisset in pedem ;
Neque ulla uota litoralibus diis
Sibi esse facta, cum ueniret a marei
Nouissimo hunc ad usque limpidum lacum.
Sed haec prius fuere : nunc recondita
Senet quiete seque dedicat tibi,
Gemelle Castor et gemelle Castoris.

Catullus

Dédicace d'un canot

L'esquif que vous voyez, passants, assure
Qu'il excellait sur tout autre en allure,
Qu'il n'existait aucun vaisseau flottant
Dont la course il ne pût, fût-ce en volant,
Devancer à la rame ou bien la voile.
Et ni l'Adriatique inamicale
Ni la Rhodes illustre et les îlots
Des Cyclades ne vont nier ses mots,
Ni Propontide affreux ni Pont sauvage
Où naguère il ne fut que du boisage
Car fréquemment du Cytore au sommet
Sa frondaison loquacement sifflait.
Vous connaissez, ô ceint de buis Cytore
Et Amastris du Pont, fort bien encore
Ce récit, dit l'esquif : depuis toujours
Il se dressait, dit-il, sur vos pourtours
Et de vos flots il imprégnait ses rames ;
En ces mers-là, sur d'indomptables lames
Son maître il a porté par tous les vents
À gauche, à droite ou quand sur ses deux flancs
Jupiter s'abattait d'une eau légère ;
Onc on ne fit pour lui quelque prière
Aux dieux des berges quand, depuis la mer
La plus lointaine, il vint à ce lac clair.
Ce temps n'est plus : il termine sa vie
Maintenant dans le calme et se dédie
À vous, Castor et jumeau de Castor.

Traduction de Iulius

 

Commentaires

Catulle nous livre ici un poème qui change de son registre usuel. Nous assistons en effet à une prosopopée d'un canot : il prend la parole et conte lui-même son histoire aux passants, ce qui est très usuel dans les épigrammes grecques. Le terme utilisé pour le canot provient d'ailleurs du grec phásêlos qui désigne une barque mince et allongée comme une cosse de haricot (le faseolus, ou faséole en français). Cette « plante du Phase » est en réalité une espèce voisine du petit pois qui se caractérise par le fait que ses cosses poussent vers le haut et ne retombent pas vers le bas. Ce légume a été détrôné par le haricot à partir de la Renaissance. Son nom savant est le « dolic », son nom courant le « pois indien ». Il est toutefois encore couramment consommé en Inde et en Asie.
À propos de la forme du canot, on a un phénomène parallèle en français, mais avec une autre image : « vaisseau » est le masculin de « vaisselle » qui dérive du latin uas, le pot, le bateau étant assimilé dans l'argot des marins médiévaux à un pot allongé. Dans les vieux livres de cuisine, le mot « vaisseau » veut dire « marmite ».

Il est difficile de rendre en décasyllabes tous les lieux en détail avec les nuances exactes apportées par les adjectifs les qualifiant. Il faut aussi reconnaître que les lieux cités ne sont pas tous très connus et renvoient au voyage que Catulle fit en Bithynie en l'an 57. Cette année, le gouverneur était Memmius de telle sorte que Catulle y partit avec son ami Helvius Cinna dans le but inavoué de faire fortune. Ce fut cependant une désillusion pour lui puisque ce pays était trop pauvre et que les gouverneurs ne s'y enrichissaient pas. Sa seule consolation fut la visite du tombeau de son frère à Troie. Il quitta la Bithynie au printemps 56 en mauvais termes avec Memmius, que Lucrèce immortalisa en lui dédiant son De rerum natura. Il aurait pris, tout seul, en tant que maître – herum – du canot, cet esquif présenté dans ce poème pour son voyage de retour en Italie.

Le mont Cytore domine la ville d'Amastris, sur le rivage du Pont. Le canot emploie les singuliers tibi et tuo car sans doute ces deux sites sont confondus dans sa mémoire. Iulius a cependant préféré traduire par un pluriel en français pour plus de clarté. L'adaptation au singulier est, de toute façon, immédiate. La rime « Cytore » avec « encore » permet faire ressortir le fuisse et esse.
Les qualités sonores font que le bois du canot est un des meilleurs. Virgile le signale d'ailleurs : Et iuuvat undantem buxo spectare Cytorum (Géorgiques, II, 437). Pétrone admire aussi ce fait : Mollia discordi strepitu uirgulta loquuntur (120).

Les Cyclades sont des îles grecques de la mer Égée : l'archipel comprend plus de 2 000 îlots et doit son nom à sa formation circulaire autour de l'île sacrée de Délos. La civilisation cycladique est célèbre pour ses idoles de marbre. Les Cyclades furent successivement occupées par les Crétois, les Mycéniens, les Doriens, les Ioniens, les Macédoniens, les Rhodiens puis les Romains. De nombreux autres peuples vinrent ensuite.
Rhodes est une île grecque située en Méditerranée à l'ouest de la Turquie, entre la Grèce et Chypre. Le colosse de Rhodes, l'une des sept merveilles du monde, triomphait à l'entrée du port de la ville.
La Propontide est aujourd'hui la mer de Marmara, entre la mer Égée et la mer Noire. Son nom vient de la dénomination de la mer Noire par les Grecs, à savoir le Pont-Euxin. Quant à la Thrace, berceau de Dionysos et d'Orphée, c'est une région actuellement partagée entre la Grèce, la Bulgarie et la Turquie.
Le royaume du Pont était à l'origine une satrapie de l'empire perse, conquise par Alexandre le Grand.

Le fait qu'aucun vœu n'ait jamais été fait pour le canot semble de prime abord obscur. Cela s'explique toutefois simplement : l'esquif a toujours fait des traversées heureuses et il ne s'est en conséquence jamais retrouvé dans une condition telle qu'il fallût implorer les dieux pour échapper à un naufrage certain.
Les dieux des rivages sont les Dioscures, c'est-à-dire Castor et Pollux, protecteurs de la navigation auxquels le canot ne laisse désormais de se consacrer. Il existe aussi Portunus, Glaucus et Palémon pour les plus connus.

Comme pour le soluere zonam du poème IIb, Catulle décalque l'expression Iuppiter incidisset du grec hyei Zeus (il pleut). Jamais le vent n'a propulsé un bateau par le truchement des cordages. L'idée est la suivante : le bateau s'est toujours bien comporté, qu'il y ait un vent normal et un temps favorable, ou qu'il ait eu de la pluie et un mauvais temps, obligeant à affaler et à avoir recours aux rames. Dans ce cas, il ne reste plus que les deux écoutes (pedes) sur lesquelles tombe Jupiter, c'est-à-dire la pluie.
Par ailleurs dans laeva/dextera, on pourrait voir « vent contraire/vent favorable » ou mieux, uniquement « vent contraire ». En effet, les bateaux de l'antiquité ne pouvaient fonctionner efficacement que par vent arrière. Avoir le vent à droite ou à gauche n'était jamais bon pour ce type de bateaux qui avaient une voile carrée perpendiculaire à l'axe du navire et dont la quille rudimentaire, voire probablement inexistante dans le cas de l'esquif de Catulle, ne pouvait empêcher un retournement par vent de côté. Dans ce cas, il valait mieux soit se mettre dans l'axe du vent, au risque d'allonger sa trajectoire, soit affaler les voiles et saisir ses rames. Cela rend alors encore plus forte la reconnaissance implicite que Catulle témoigne à son canot.
Cela conduit alors à une traduction de la sorte :

À gauche, à droite, ou par les bienveillants
Souffles de Jupiter sur ses cordages ;
Et l'on ne fit onc aux dieux des rivages
De vœux pour lui lorsqu'il vint de la mer
La plus lointaine à ce présent lac clair.

Le lac limpide dont il est question semble être le lac de Garde près duquel Catulle allait parfois se reposer, dans sa propriété de Sirmio. L'adjectif que Iulius usite dans « ce présent lac » a un double sens : il traduit d'une part le démonstratif hunc et il est d'autre part proleptique puisqu'il annonce... le présent.

Carmen V

Ad Lesbiam

Viuamus mea Lesbia, atque amemus,
Rumoresque senum seueriorum
Omnes unius aestimemus assis !
Soles occidere et redire possunt ;
Nobis cum semel occidit breuis lux,
Nox est perpetua una dormienda.
Da mi basia mille, deinde centum,
Dein mille altera, dein secunda centum,
Dein usque altera mille, deinde centum.
Dein, cum millia multa fecerimus,
Conturbabimus illa, ne sciamus,
Aut ne quis malus inuidere possit,
Cum tantum sciat esse basiorum.

Catullus

À Lesbie

Vivons et nous aimons, ô ma Lesbie,
Et que des vieux barbons la gronderie
Ait pour nous la valeur d'un seul denier !
Le soleil peut mourir puis rebriller
Mais quand s'éteint notre fugace vie
Il faut dormir une nuit infinie.
Donne-moi des baisers, mille puis cent
Puis mille autres, et puis de nouveau cent
Puis encor mille et puis cent à la file.
Puis quand nous aurons fait moult et moult mille
Brouillons le compte afin de l'ignorer
Et qu'un méchant ne nous puisse jeter
Un sort, jaloux de ce trésor de bises.

Traduction de Iulius

 

Commentaires

Ce poème de Catulle est vraiment bien travaillé avec les trois sentiments de vie, d'amour et de jalousie qui luttent entre eux.
La vie : à l'ordre uiuamus répond la suite des jours et la nuit éternelle. Bien, que les jours se suivent, nous, pauvres mortels sommes assurés d'une nuit éternelle. Autant donc passer nos jours de vie à s'aimer. D'où l'amemus ! Et cet amour est décrit par le quatrain des baisers et des nombres. Enfin, les grondements des vieux ronchons jaloux sont empêchés par la pirouette finale où tout se mêle et où plus personne ne sait combien il y a de baisers. Mais si le nombre des baisers est perdu, les jaloux sont renvoyés au chiffre d'un as. Tous les envieux se fondent en un rien et les milliers de baisers sont incalculables...
Pas un mot rare, ni précieux. Une poésie qui parle au cœur !

Le premier vers latin est très joliment encadré par les deux verbes uiuamus et amemus qui se répondent. Ces subjonctifs d'exhortation ont néanmoins une valeur de doute. C'est donc un hymne à la vie que compose Catulle ; et on échappe à la mort grâce à l'amour.
Rien ne doit perturber cet amour, pas même les grincheux barbons, ainsi que le traduit Iulia – traduction à préférer au fade « Que des trop durs vieillards la gronderie » qui ne rend pas le ton comique et sarcastique de Catulle. Ceux-ci, ayant oublié leur propre jeunesse, sont jaloux et froncent le sourcil devant les frasques des jeunes gens dont ils envient les plaisirs. Ils deviennent des censeurs et répriment la sexualité.
À noter la plaisante assonance des barbons grondeurs !

Une variante pour ceux qui trouvent qu'un denier est trop cher par rapport à l'as est :

Vaille pour nous bien moins qu'un seul denier !

Iulius propose aussi une version avec la monnaie éthiopienne :

Ait pour nous deux la valeur d'un seul birr !
Le soleil peut mourir puis ressurgir

Le pluriel poétique et métonymique soles renvoie en fait à l'alternance des jours. La scansion de l'hendécasyllabe phalécien permet de voir que le verbe occidere a un « i » bref à deux reprises et qu'il signifie donc « périr, se coucher ».

À noter le chiasme breuis lux / nox perpetua qui est rendu en français à la rime. La longueur de ce dernier adjectif souligne bien le caractère éternel de cette ultime nuit nécessaire – adjectif verbal d'obligation. Une variante peut mieux faire ressortir l'idée de lumière et de flamme de vie :

Mais quand s'éteint notre brève étincelle
Il faut dormir une nuit éternelle.

S'ensuit alors une longue énumération quantifiée de baisers. L'adverbe usque est rendu par l'expression « à la file », selon son sens de continuité. Notons au passage que le vers « Puis mille autres, et puis de nouveau cent » rend parfaitement l'accumulation désordonnée avec une double coupe qui fait reprendre son souffle deux fois dans ce 6/4, contrairement à un classique « Puis mille autres baisers, puis encore cent ».

Une autre variante qui souligne davantage la réciprocité de fecerimus est :

Puis encor mille et puis cent à la suite.
Après moult milliers faits, le compte ensuite
Nous brouillerons afin de l'ignorer
Et qu'un méchant ne nous puisse envier
En apprenant le compte de nos bises.

Dans le langage commercial, fecerimus s'emploie en effet dans le sens de rassemblement d'une somme d'argent, d'où la traduction proposée. Et le conturbabimus renvoie lui aussi à l'idée de brouiller les comptes. Ce langage mercantile est similaire à celui usité plus haut avec la valeur d'un seul sou.
Le fait de compter ses biens et d'en connaître précisément le nombre est un moyen de prendre conscience de son bonheur propre et d'ainsi augmenter la jalousie des autres. C'est pourquoi il est préférable de brouiller le compte !

Une petite rupture poétique est faite dans la construction de l'avant-dernier vers où l'on sous-entend « et [pour] qu'un méchant ». Le véritable sens d'inuidere est celui de « jeter le mauvais œil » et de « porter malheur », plus fort que « jalouser, envier » qui banaliserait le poème.

Notons enfin l'attraction modale de cum sciat et le génitif partitif basiorum. Ce qui compte en effet, c'est que le poème se conclue sur le nombre innombrable de bisous, que l'on ne conserve que parce qu'on ne le décompte pas jalousement. Les bisous, on en veut beaucoup, mais dès qu'on se met à les compter, on tombe dans l'angoisse et l'envie. N'est-ce pas cela, au fond, la morale du poème ?
La traduction « jaloux de ce trésor de bises » est une géniale trouvaille de Métrodore.

Autres traductions

Vivons, ma Lesbie, aimons !
Fichons-nous comm' d'une guigne
Des cancans des vieux grincheux.
Ils peuvent, les soleils, se coucher et renaître
Mais nous, quand une fois la chandelle est mouchée,
Une nuit éternelle il nous faudra dormir.
Baise-moi mille fois, et puis encor' cent fois
Et encor' mille fois, et de nouveau cent fois,
Et mille fois de suite, et puis encor' cent fois
Et quand mille et mill' fois on se sera baisés,
On mélangera tout pour en perdre le compte,
Pour qu'un sal'typ' ne puisse nous porter la poisse
Sachant qu'on s'est donné tant et tant de baisers !

Traduction libre de Iulia

Vivons, Lesbie, et aimons-nous,
Que les blâmes des vieux jaloux,
Pour nous, ne vaillent pas tripette !
Le ciel peut faire la navette,
Notre jour luit un bref instant
L'éternelle nuit nous attend.
Donne-moi cent baisers, puis mille,
Puis encor cent, puis encor mille,
Puis mille encor et cent, puis quand
Nous en referons mille et cent
Mélangeons-les, pour qu'on ne puisse...
Ou plutôt pour que les jaloux
Ne puissent compter nos bisous.

Traduction en octosyllabiques rimés de Caligula

 

Vivons, ma Lesbie et aimons !
Les grognements des vieux sévères
Tous ne valent pas un centime.
Les soleils meurent et renaissent ;
Quand s'éteint notre jour si court,
La nuit est l'éternel sommeil.
Donne-moi cent baisers puis mille,
Puis mille autres, et encor cent,
Puis mille encore, ensuite cent.
Après des milliers de baisers,
Embrouillons-les pour ignorer
Ou qu'ils ne puissent faire envie,
Pour tant de baisers échangés.

Traduction en octosyllabiques de Pierre Lasserre

 

Carmen VIII

Cesse de délirer, ô malheureux Catulle,
Ce que tu vois perdu, tiens-le donc pour perdu.
Jadis ont lui pour toi des soleils éclatants,
Lorsque tu accourais, séduit par une belle,
Aimée de nous comme jamais on n'aimera.
C'étaient alors des jeux nombreux et pleins de joie ;
Ce que tu désirais, elle en avait désir.
Comme ils ont lui pour toi, ces soleils éclatants !
Mais elle ne veut plus : refuse, toi aussi !
Ne cours point ce qui fuit, ne vis plus misérable :
Sois ferme dans ton cœur ; résiste, imperturbable.
Adieu, Mademoiselle ! Il résiste, Catulle ;
Il ne te fera plus la cour contre ton gré ;
Mais toi, tu pleureras, privée de soupirants.
Malheur à toi, friponne ! Ah ! quelle vie t'attend ?
Qui donc va t'approcher ? Qui te trouvera belle ?
Qui donc aimeras-tu ? Lequel sera ton maître ?
À qui ces doux baisers ? À qui mordre la lèvre ?
Va, Catulle, résiste, et reste inébranlable !

Traduction de Henri Tournier

 

 

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Pages connexes
  • Carmina (I à V)

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