Vie de Caligula (XXI à XXX)

Document PDF à télécharger Caligula, participant actif aux forums de langues anciennes, est l'auteur de la traduction qui t'est présentée sur cette page.
La Vie de Caligula est téléchargeable dans une version PDF PDF pour en faciliter la consultation et l'impression.
 
[XXI] Opera sub Tiberio semiperfecta, templum Augusti theatrumque Pompei, absoluit. Incohauit autem aquae ductum regione Tiburti et amphitheatrum juxta Saepta, quorum operum a successore ejus Claudio alterum peractum, omissum alterum est. Syracusis conlapsa vetustate moenia deorumque aedes refectae. Destinaverat et Sami Polycratis regiam restituere, Mileti Didymeum peragere, in jugo Alpium urbem condere, sed ante omnia Isthmum in Achaia perfodere, miseratque iam ad dimetiendum opus primipilarem.
[21] Il termina les ouvrages à moitié achevés sous Tibère, le temple d'Auguste et le théâtre de Pompée. Il commença un aqueduc partant de la région de Tibur et un amphithéâtre jouxtant les Saepta et, de ces ouvrages, l'un fut terminé par son successeur Claude et l'autre abandonné. À Syracuse, il répara les remparts croulants de vieillesse et les temples des dieux. Il avait l'ambition de reconstruire le palais de Polycrate à Samos, de terminer le Didymée [temple d'Apollon] à Milet, de fonder une ville au sommet des Alpes, mais avant tout de creuser l'Isthme en Grèce, et il y avait envoyé un primipilaire pour mesurer cet ouvrage.

[XXII] Hactenus quasi de principe, reliqua ut de monstro narranda sunt. Compluribus cognominibus adsumptis ; nam et « pius » et « castrorum filius » et « pater exercituum » et « optimus maximus Caesar » vocabatur ; cum audiret forte reges, qui officii causa in urbem advenerant, concertantis apud se super cenam de nobilitate generis, exclamavit :

Texte grec

Nec multum afuit quin statim diadema sumeret speciemque principatus in regni formam converteret. Verum admonitus et principum et regum se excessisse fastigium, divinam ex eo majestatem asserere sibi coepit ; datoque negotio, ut simulacra numinum religione et arte praeclara, inter quae Olympii Jovis, apportarentur e Graecia, quibus capite dempto suum imponeret, partem Palatii ad forum usque promovit, atque aede Castoris et Pollucis in vestibulum transfigurata, consistens saepe inter fratres deos, medium adorandum se adeuntibus exhibebat ; et quidam eum Latiarem Jovem consalutarunt. Templum etiam numini suo proprium et sacerdotes et excogitatissimas hostias instituit. In templo simulacrum stabat aureum iconicum amiciebaturque cotidie veste, quali ipse uteretur. Magisteria sacerdotii ditissimus quisque et ambitione et licitatione maxima vicibus comparabant. Hostiae erant phoenicopteri, pavones, tetraones, numidicae, meleagrides, phasianae, quae generatim per singulos dies immolarentur. Et noctibus quidem plenam fulgentemque lunam invitabat assidue in amplexus atque concubitum, interdiu vero cum Capitolino Jove secreto fabulabatur, modo insusurrans ac praebens in vicem aurem, modo clarius nec sine jurgiis.
Nam vox comminantis audita est :

Texte grec

donec exoratus, ut referebat, et in contubernium ultro invitatus super templum Divi Augusti ponte transmisso Palatium Capitoliumque conjunxit. Mox, quo propior esset, in area Capitolina novae domus fundamenta jecit.

[22] Jusqu'ici j'ai rapporté les faits d'une sorte de prince, maintenant pour le reste il me faut parler comme d'un monstre. Ayant pris plusieurs surnoms, puisqu'il était appelé « le pieux », « le fils des camps », « le père des armées » et « César très bon très grand », comme d'aventure il aurait entendu des rois, qui étaient venus pour affaire dans la Ville, se battre chez lui à sa table sur la noblesse de leur famille, il s'écria :

« Qu'un seul soit commandant,
Qu'un seul soit souverain. »

Et il s'en fallut de peu qu'il prît aussitôt le diadème et transformât l'apparence du principat en un régime monarchique. Mais averti qu'il avait dépassé le rang des princes et des rois, il se mit du coup à s'attribuer la majesté divine ; et l'affaire conclue, pour qu'on apportât de Grèce les statues des dieux les plus célèbres sous le rapport de la piété et de l'art, parmi lesquelles celle de Jupiter Olympien, dont on remplacerait la tête par la sienne, il fit construire une aile du palais jusqu'au Forum et transforma le temple de Castor et Pollux en vestibule, se tenant souvent entre les frères divins, il s'offrait au milieu d'eux à l'adoration des visiteurs et certains le saluèrent comme Jupiter Latin. Et même pour sa propre divinité il décréta un temple, des prêtres et des victimes des plus fantaisistes. Dans ce temple se dressait sa statue faite d'après nature et en or que l'on habillait chaque jour comme lui-même était vêtu. À tour de rôle, chacun des plus riches, acquérait les plus hautes fonctions de la prêtrise par la brigue et la plus grande surenchère. Pour victimes, il y avait des flamants, des paons, des coqs de bruyère, des oiseaux de Numidie, des méléagrides, des faisans, qui étaient généralement sacrifiés chaque jour. Et, bien sûr, de nuit il invitait fréquemment la lune pleine et brillante dans ses bras et sur sa couche, et de jour il parlait en secret avec Jupiter Capitolin, tantôt tour à tour en murmurant et en lui prêtant l'oreille, tantôt à voix plus forte et non sans disputes.
En effet, on entendait la voix [de Caius] le menaçant :

« Enlève-moi, ou moi je t'enlève ! »

jusqu'à ce que fléchi, comme il le rapportait, et par dessus le marché convié à son intimité, il fit réunir le Palatin au Capitole au moyen d'une passerelle au dessus du temple du Divin Auguste. Puis, pour être plus proche de lui, il fit jeter les fondations d'un nouveau palais sur la place du Capitole.

[XXIII] Agrippae se nepotem neque credi neque dici ob ignobilitatem ejus volebat suscensebatque, si qui vel oratione vel carmine imaginibus eum Caesarum insererent. Praedicabat autem matrem suam ex incesto, quod Augustus cum Iulia filia admisisset, procreatam ; ac non contentus hac Augusti insectatione Actiacas Siculasque victorias, ut funestas populo Romano et calamitosas, vetuit sollemnibus feriis celebrari. Liviam Augustam proaviam « Vlixem stolatum » identidem appellans, etiam ignobilitatis quadam ad senatum epistula arguere ausus est quasi materno avo decurione Fundano ortam, cum publicis monumentis certum sit, Aufidium Lurconem Romae honoribus functum. Aviae Antoniae secretum petenti denegauit, nisi ut interveniret Macro praefectus, ac per istius modi indignitates et taedia causa extitit mortis, dato tamen, ut quidam putant, et veneno ; nec defunctae ullum honorem habuit prospexitque e triclinio ardentem rogum. Fratrem Tiberium inopinantem repente immisso tribuno militum interemit ; Silanum item socerum ad necem secandasque novacula fauces compulit, causatus in utroque, quod hic ingressum se turbatius mare non esset secutus ac spe occupandi urbem, si quid sibi per tempestates accideret, remansisset, ille antidotum oboluisset, quasi ad praecavenda venena sua sumptum, cum et Silanus inpatientiam nauseae vitasset et molestiam navigandi, et Tiberius propter assiduam et ingravescentem tussim medicamento usus esset. Nam Claudium patruum non nisi in ludibrium reservavit.
[23] Il ne voulait pas qu'on le crût et qu'on le dît petit-fils d'Agrippa à cause des origines obscures de ce dernier et il s'emportait lorsque dans des discours ou des poèmes on mêlait celui-ci aux souvenirs des Césars. Il prétendait que sa mère était le fruit d'un inceste qu'Auguste se serait permis avec sa fille Julie ; et non content de cette calomnie envers Auguste, il interdit les fêtes annuelles où l'on célébrait ses victoires, celle d'Actium et celle de la guerre de Sicile, sous le prétexte qu'elles furent néfastes et désastreuses pour le peuple romain. Surnommant sans cesse sa bisaïeule Livie Augusta d'« Ulysse en robe », il osa même lui reprocher la bassesse de ses origines dans une lettre au sénat comme descendante d'un grand-père maternel décurion de Fondi, bien qu'il soit assuré par des documents publics qu'Aufidius Lurco assura des magistratures à Rome. Il refusa une audience particulière à sa grand-mère Antonia, qui le demandait, sans la présence du préfet Macron et par des petitesses et tracasseries de cet ordre il fut cause de sa mort, lui donnant même du poison, comme certains le pensent ; il ne prodigua aucun honneur à la décédée et regarda depuis sa salle à manger les flammes du bûcher. Il fit tuer par surprise son cousin Tibère [Gemellus] en lui envoyant soudain un tribun militaire, de même il força son beau-frère Silanus au suicide en se tranchant la gorge avec un rasoir ; emporté contre eux deux, parce que le second ne l'avait pas suivi lors d'un voyage par mer trop agitée, et qu'il était resté à Rome dans l'espoir de se rendre maître de la ville au cas où il lui serait arrivé quelque chose à cause des intempéries ; et parce que le premier avait exhalé l'odeur d'un antidote pris comme pour se prémunir de ses poisons, alors que Silanus s'évitait la souffrance du mal de mer et la gêne d'une navigation et que Tibère avait fait usage d'un médicament à cause d'une toux tenace qui empirait. Quant à son oncle Claude, il le laissa en vie uniquement pour s'en moquer.
[XXIV] Cum omnibus sororibus suis consuetudinem stupri fecit plenoque convivio singulas infra se vicissim conlocabat uxore supra cubante. Ex iis Drusillam vitiasse virginem praetextatus adhuc creditur atque etiam in concubitu ejus quondam deprehensus ab Antonia avia, apud quam simul educabantur ; mox Lucio Cassio Longino consulari conlocatam abduxit et in modum justae uxoris propalam habuit ; heredem quoque bonorum atque imperii aeger instituit. Eadem defuncta justitium indixit, in quo risisse lavisse cenasse cum parentibus aut conjuge liberisve capital fuit. Ac maeroris impatiens, cum repente noctu profugisset ab urbe transcucurrissetque Campaniam, Syracusas petit, rursusque inde propere rediit barba capilloque promisso ; nec umquam postea quantiscumque de rebus, ne pro contione quidem populi aut apud milites, nisi per numen Drusillae dejerauit. Reliquas sorores nec cupiditate tanta nec dignatione dilexit, ut quas saepe exoletis suis prostraverit ; quo facilius eas in causa Aemili Lepidi condemnavit quasi adulteras et insidiarum adversus se conscias ei nec solum chirographa omnium requisita fraude ac stupro divulgavit, sed et tres gladios in necem suam praeparatos Marti Vltori addito elogio consecravit.
[24] Il eut des relations coupables avec toutes ses sœurs et en plein banquet il faisait placer chacune d'elles à tour de rôle sur le lit inférieur au sien, son épouse étant allongée sur le lit supérieur. De ses sœurs, on croit qu'il déflora Drusilla alors qu'il portait encore la toge prétexte et qu'il fut surpris au lit avec elle par leur grand-mère Antonia, chez qui ils étaient élevés ; puis il l'enleva à Lucius Cassius Longinus et la tint en public pour sa femme légitime ; tombé malade, il la nomma héritière tant de ses biens que de l'empire. Quand elle mourut, il décida d'une suspension des affaires pendant laquelle il fut puni de mort de rire, d'aller aux bains, de dîner avec ses parents, son conjoint et ses enfants. N'en pouvant plus de tristesse, après s'être enfui soudainement de nuit de la ville et avoir traversé la Campanie, il gagna Syracuse et en revint hâtivement avec la barbe et les cheveux longs ; et ensuite dans n'importe quelle affaire, même dans l'assemblée du peuple ou devant les soldats, il ne jura que par la divinité de Drusilla. Il n'aima pas ses autres sœurs avec autant de désir ni autant d'estime, puisqu'il les aurait souvent prostituées à ses mignons ; il les condamna d'autant plus facilement dans le procès d'Aemilius Lepidus comme adultères et complices de son complot contre lui et non seulement il publia des pièces écrites de leur main qu'il avait obtenues par la ruse et le déshonneur mais aussi il consacra à Mars Vengeur, en y ajoutant un ex-voto, les trois épées qu'elles avaient préparées pour son assassinat.
[XXV] Matrimonia contraxerit turpius an dimiserit an tenuerit, non est facile discernere. Liviam Orestillam C. Pisoni nubentem, cum ad officium et ipse venisset, ad se deduci imperavit intraque paucos dies repudiatam biennio post relegavit, quod repetisse usum prioris mariti tempore medio videbatur. Alii tradunt adhibitum cenae nuptiali mandasse ad Pisonem contra accumbentem : « Noli uxorem meam premere », statimque e convivio abduxisse secum ac proximo die edixisse : matrimonium sibi repertum exemplo Romuli et Augusti. Lolliam Paulinam, C. Memmio consulari exercitus regenti nuptam, facta mentione aviae ejus ut quondam pulcherrimae, subito ex provincia evocavit ac perductam a marito conjunxit sibi brevique missam fecit interdicto cujusquam in perpetuum coitu. Caesoniam neque facie insigni neque aetate integra matremque iam ex alio viro trium filiarum, sed luxuriae ac lasciuiae perditae, et ardentius et constantius amavit, ut saepe chlamyde peltaque et galea ornatam ac iuxta adequitantem militibus ostenderit, amicis vero etiam nudam. Uxorio nomine non prius dignatus est quam enixam, uno atque eodem die professus et maritum se ejus et patrem infantis ex ea natae. Infantem autem, Iuliam Drusillam appellatam, per omnium dearum templa circumferens Minervae gremio imposuit alendamque et instituendam commendavit. Nec ullo firmiore indicio sui seminis esse credebat quam feritatis, quae illi quoque tanta iam tunc erat, ut infestis digitis ora et oculos simul ludentium infantium incesseret.
[25] Il n'est pas aisé de discerner s'il agit plus honteusement en contractant ses mariages ou en les rompant ou en les maintenant. Il ordonna que Livia Orestilla qui épousait Caius Pison, alors qu'il était venu en personne à la cérémonie, fût emmenée chez lui, en peu de jours il la répudia et deux ans après l'exila, parce que dans l'intervalle elle semblait avoir eu des relations avec son premier mari. D'autres racontent que s'étant invité au repas nuptial il avait ordonné à Pison allongé face à lui : « Ne serre pas ma femme ! » et après l'avoir aussitôt soustraite du banquet il aurait édicté le jour suivant qu'il avait trouvé pour lui un mariage à l'exemple de Romulus et d'Auguste. Quant à Lollia Paulina, épouse du consulaire Caius Memmius qui commandait aux armées, mention faite que sa grand-mère était autrefois une très belle femme, il la convoqua subitement de sa province et, celle-ci ramenée par son mari, il l'épousa puis la congédia aussitôt avec interdiction perpétuelle de se remarier. Caesonia, qui n'était pas d'une beauté signifiante ni de première jeunesse et déjà mère de trois filles d'un autre mariage, mais perdue de débauche et de libertinage, il l'aima avec plus d'ardeur et plus de fidélité au point qu'il la présenta souvent aux soldats chevauchant à son côté, revêtue d'une chlamyde, d'un bouclier de cavalerie et d'un casque, et même nue à ses amis. Il ne la gratifia pas du nom d'épouse avant qu'elle n'accouchât et en un seul et même jour il se déclara son mari et le père de la fille qu'elle eut. Il plaça cette enfant, qu'il avait nommée Julia Drusilla, sur le giron de Minerve, après avoir fait le tour des temples de toutes les déesses, et lui ordonna de la nourrir et l'éduquer. Et il n'imaginait pas preuve plus ferme qu'elle était de sa semence que la cruauté qu'elle montrait déjà alors en attaquant avec ses doigts dangereux les visages et les yeux de ses petits compagnons de jeux.
[XXVI] Leve ac frigidum sit his addere, quo propinquos amicosque pacto tractaverit, Ptolemaeum regis Jubae filium, consobrinum suum, erat enim et is M. Antoni ex Selene filia nepos, et in primis ipsum Macronem, ipsam Enniam. Adjutores imperii : quibus omnibus pro necessitudinis jure proque meritorum gratia cruenta mors persoluta est. Nihilo reverentior leniorve erga senatum, quosdam summis honoribus functos ad essedum sibi currere togatos per aliquot passuum milia et cenanti modo ad pluteum modo ad pedes stare succinctos linteo passus est ; alios cum clam interemisset, citare nihilo minus ut vivos perseverauit, paucos post dies voluntaria morte perisse mentitus. Consulibus oblitis de natali suo edicere abrogavit magistratum fuitque per triduum sine summa potestate res publica. Quaestorem suum in conjuratione nominatum flagellavit veste detracta subjectaque militum pedibus, quo firme verberaturi insisterent. Simili superbia violentiaque ceteros tractavit ordines. Inquietatus fremitu gratuita in circo loca de media nocte occupantium, omnis fustibus abegit ; elisi per eum tumultum viginti amplius equites Romani, totidem matronae, super innumeram turbam ceteram. Scaenicis ludis, inter plebem et equitem causam discordiarum ferens, decimas maturius dabat, ut equestria ab infimo quoque occuparentur. Gladiatorio munere reductis interdum flagrantissimo sole velis emitti quemquam vetabat, remotoque ordinario apparatu tabidas feras, vilissimos senioque confectos gladiatores, proque paegniariis patres familiarum notos in bonam partem sed insignis debilitate aliqua corporis subiciebat. Ac nonnumquam horreis praeclusis populo famem indixit.
[26] Il serait léger et froid d'ajouter à ces choses-là comment il traita le fils du roi Juba Ptolémée, son cousin, c'était en effet le petit-fils de Marc Antoine par Séléné la fille de celui-ci, et surtout Macron et Ennia eux-mêmes, ses soutiens à l'empire : à eux tous selon le droit de la parenté et en remerciement de leurs mérites, une mort sanglante fut leur récompense. En rien plus révérencieux et plus doux envers le sénat, il admit que ceux qui s'étaient acquitté des plus hautes magistratures courussent en toge après son char sur plusieurs milliers de pas et, pendant qu'il mangeait, se tinssent debout et ceinturés de toile, tantôt derrière son dossier tantôt à ses pieds ; il continua d'appeler par leurs noms d'autres sénateurs, alors qu'il les avait fait mourir secrètement, pas moins que s'ils étaient encore vivants et, peu de jours après, prétendit qu'ils s'étaient suicidés. Les consuls ayant omis de proclamer son anniversaire, il les destitua de leur charge et l'état fut pendant trois jours sans autorité suprême. Il fit fouetter son questeur dénoncé dans un complot. Le vêtement de celui-ci fut arraché et jeté sous les pieds des soldats pour qu'en se tenant dessus ils le frappassent fermement. Il traita les autres classes sociales avec la même violence et le même orgueil. Réveillé par le bruit de ceux qui occupaient depuis le milieu de la nuit les places gratuites au cirque, il les fit tous chasser à coups de bâton ; plus de vingt chevaliers romains et autant de grandes dames furent écrasés dans cette bousculade, outre une foule innombrable. Pendant les jeux scéniques, créant une cause de dispute entre la plèbe et les chevaliers, il distribuait les dîmes de bon matin pour que les places des chevaliers fussent occupées aussi par la populace. Lors d'un combat de gladiateurs, il interdit à quiconque de sortir après avoir fait replier les voiles sous un soleil de plomb et après avoir renvoyé les préparatifs habituels il présenta des fauves malades, des gladiateurs sans valeur et courbés de vieillesse, et comme escrimeurs des pères de famille de bonne réputation mais marqués de quelque difformité. Et, quelquefois après avoir fermé les greniers, il annonça au peuple une disette.
[XXVII] Saevitiam ingenii per haec maxime ostendit. Cum ad saginam ferarum muneri praeparatarum carius pecudes compararentur, ex noxiis laniandos adnotavit, et custodiarum seriem recognoscens, nullius inspecto elogio, stans tantum modo intra porticum mediam, « a calvo ad calvum » duci imperauit. Votum exegit ab eo, qui pro salute sua gladiatoriam operam promiserat, spectavitque ferro dimicantem nec dimisit nisi victorem et post multas preces. Alterum, qui se periturum ea de causa voverat, cunctantem pueris tradidit, verbenatum infulatumque votum reposcentes per vicos agerent, quoad praecipitaretur ex aggere. Multos honesti ordinis deformatos prius stigmatum notis ad metalla et munitiones viarum aut ad bestias condemnavit aut bestiarum more quadripedes cavea coercuit aut medios serra dissecuit, nec omnes gravibus ex causis, verum male de munere suo opinatos, vel quod numquam per genium suum dejerassent. Parentes supplicio filiorum interesse cogebat ; quorum uni valitudinem excusanti lecticam misit, alium a spectaculo poenae epulis statim adhibuit atque omni comitate ad hilaritatem et jocos provocavit. Curatorem munerum ac venationum per continuos dies in conspectu suo catenis verberatum non prius occidit quam offensus putrefacti cerebri odore. Atellanae poetam ob ambigui joci versiculum media amphitheatri harena igni cremavit. Equitem Romanum objectum feris, cum se innocentem proclamasset, reduxit abscisaque lingua rursus induxit.
[27] Il montra la cruauté de son naturel surtout par ce qui suit. Comme le bétail pour la pitance des fauves destinés aux jeux s'achetait trop cher, il désigna parmi les condamnés ceux à dévorer et en parcourant la liste des prisons, sans avoir inspecté le registre d'écrou d'aucune, se tenant en tout et pour tout au milieu d'un portique il ordonna de les choisir « du chauve au chauve ». Il exigea que s'accomplît le vœu d'un homme qui avait promis, pour que Caius recouvrît la santé, de combattre comme gladiateur, il le regarda combattre et ne le laissa partir que vainqueur et après moult prières. Un autre, qui avait fait vœu de mourir pour la même raison, mais qui hésitait, il le livra aux enfants couronné de verveine et de bandelettes pour qu'ils le promenassent à travers les quartiers en lui rappelant son vœu jusqu'à ce qu'il fût balancé du haut de la terrasse. Il condamna aux mines et à la voirie ou aux bêtes de nombreux hommes d'un rang honnête, d'abord enlaidis par un marquage au fer rouge, il en fit enfermer en cage où ils se tenaient à quatre pattes comme des bêtes ou bien il en fit découper à la scie par le milieu et pas tous pour de graves motifs mais parce qu'ils avaient émis une mauvaise opinion sur ses jeux ou parce qu'ils n'avaient jamais prêté serment sur son génie. Il forçait les pères à assister au supplice de leurs fils ; alors que l'un d'eux s'excusa en prétextant une maladie, il lui envoya une chaise à porteurs, il invita un autre à un banquet juste après le spectacle de la mise à mort et avec toute sa bonne humeur l'incita à rire et à plaisanter. Il fit supprimer un responsable des jeux et des chasses, qu'il faisait frapper à coups de chaîne pendant plusieurs jours de suite devant lui, seulement après qu'il ne supporta plus l'odeur de cervelle en putréfaction. Il fit brûler au milieu de la piste de sable d'un amphithéâtre l'auteur d'une atellane à cause d'un vers qui offrait un jeu de mots ambigu. Ayant fait jeter aux fauves un chevalier romain, comme celui-ci criait son innocence, il le sortit de l'arène puis lui ayant fait trancher la langue le renvoya au supplice.
[XXVIII] Revocatum quendam a vetere exilio sciscitatus, quidnam ibi facere consuesset, respondente eo per adulationem : « deos semper oravi ut, quod evenit, periret Tiberius et tu imperares », opinans sibi quoque exules suos mortem imprecari, misit circum insulas, qui universos contrucidarent. Cum discerpi senatorem concupisset, subornavit qui ingredientem curiam repente hostem publicum appellantes invaderent, graphisque confossum lacerandum ceteris traderent ; nec ante satiatus est quam membra et artus et viscera hominis tracta per vicos atque ante se congesta uidisset.
[28] Il s'informa auprès d'un homme qu'il avait rappelé d'exil sur ce qu'il avait l'habitude d'y faire et celui-ci répondant par flatterie « je n'ai cessé de prier les dieux pour que meure Tibère et que tu deviennes empereur, ce qui est arrivé », jugeant que ses propres exilés souhaitaient aussi sa mort, il fit faire la tournée des îles pour les y tuer tous. Alors qu'il désirait mettre en pièces un sénateur, il suborna ses agresseurs qui l'appelèrent soudainement ennemi public à son entrée dans la curie et, l'ayant percé de leurs stylets, le livrèrent aux autres pour qu'ils le déchiquetassent, et Caius ne fut pas satisfait avant d'avoir pu voir les bras, les jambes et les viscères de l'homme tirés à travers les rues et mis en tas devant lui.
[XXIX] Immanissima facta augebat atrocitate verborum. Nihil magis in natura sua laudare se ac probare dicebat quam, ut ipsius verbo utar, adiatrepsian, (hoc est inverecundiam). Monenti Antoniae aviae tamquam parum esset non oboedire : « Memento, » ait, « omnia mihi et in omnis licere ». Trucidaturus fratrem, quem metu venenorum praemuniri medicamentis suspicabatur : « Antidotum, » inquit, « aduersus Caesarem ? » Relegatis sororibus « non solum insulas habere se, sed etiam gladios » minabatur. Praetorium virum ex secessu Anticyrae, quam valitudinis causa petierat, propagari sibi commeatum saepius desiderantem cum mandasset interimi, adjecit « necessariam esse sanguinis missionem, cui tam diu non prodesset elleborum ». Decimo quoque die numerum puniendorum ex custodia subscribens « rationem se purgare » dicebat. Gallis Graecisque aliquot uno tempore condemnatis gloriabatur « Gallograeciam se subegisse ».
[29] Il aggravait ses actes barbares par la cruauté de ses mots. Il disait n'approuver et ne louer en sa nature rien de plus que son adiatrepsie, pour utiliser son propre terme, c'est à dire son effronterie. À sa grand-mère Antonia qui lui faisait une remontrance, comme si ne pas obéir aurait été peu de chose, il dit : « Souviens-toi que tout m'est permis et sur tout le monde ». Ayant l'intention d'assassiner son cousin, qu'il soupçonnait de prendre des remèdes par peur d'être empoisonné : « Un antidote, dit-il, contre César ? » Après avoir banni ses sœurs, il les menaçait en disant qu'« il possédait non seulement des îles, mais aussi des épées ». Alors qu'il avait donné mission de supprimer un homme de rang prétorien en repos à Antycire pour raison de santé, qui lui demandait trop souvent de prolonger son séjour, il ajouta que « cette saignée était nécessaire à un homme si longtemps insensible à l'ellébore ». Tous les dix jours, en enregistrant un nombre de prisonniers à punir, il disait qu'« il apurait les comptes ». Après avoir fait condamner d'un coup plusieurs Grecs et Gaulois, il se vantait d'« avoir soumis la Gallogrèce ».

[XXX] Non temere in quemquam nisi crebris et minutis ictibus animadverti passus est, perpetuo notoque jam praecepto : « ita feri ut se mori sentiat ». Punito per errorem nominis alio quam quem destinaverat, ipsum quoque paria meruisse dixit. Tragicum illud subinde jactabat :

« Oderint, dum metuant. »

Saepe in cunctos pariter senatores ut Sejani clientis, ut matris ac fratrum suorum delatores, invectus est prolatis libellis, quos crematos simulaverat, defensaque Tiberi saevitia quasi necessaria, cum tot criminantibus credendum esset. Equestrem ordinem ut scaenae harenaeque devotum assidue proscidit. Infensus turbae faventi adversus studium suum exclamavit : « Utinam Populus Romanus unam cervicem haberet ! » Cumque Tetrinius latro postularetur, et qui postularent, Tetrinios esse ait. Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo totidem secutoribus succubuerant ; cum occidi juberentur, unus resumpta fuscina omnes victores interemit : hanc ut crudelissimam caedem et deflevit edicto et eos, qui spectare sustinuissent, execratus est.

[30] Il n'admettait pas qu'on chatiât quiconque à la légère sans user de coups brefs et répétitifs, en suivant cette instruction connue pour toujours : « qu'il soit frappé de sorte qu'il se sente mourir ». Une personne ayant subi un châtiment destiné à une autre, à cause d'une erreur de nom, il dit qu'elle avait mérité le même châtiment. Il avait toujours à la bouche ce vers de tragédie :

« Ils peuvent me haïr du moment qu'ils me craignent ! »

Souvent, il accablait d'invectives tous les sénateurs comme « clients de Séjan », ou « délateurs de sa mère et de ses frères », en citant les cahiers qu'il avait fait semblant de brûler et en défendant les cruautés de Tibère comme presque nécessaires puisqu'il avait dû croire à tant de calomniateurs. Il diffamait sans cesse l'ordre équestre comme adonné à la scène et au cirque. Fâché contre la foule qui désapprouvait ses goûts, il s'écria : « si seulement le Peuple Romain n'avait qu'un cou ! » Alors que le voleur Tetrinius était demandé, il dit « ceux qui le demandent sont aussi des Tetrinius ». Cinq rétiaires en tunique lors d'un combat en groupe avaient été vaincus sans se battre par tout autant d'adversaires ; dès qu'on donna l'ordre de les abattre, l'un d'eux après avoir repris son trident tua tous les vainqueurs : dans un édit, il déplora cette affaire comme une tuerie inhumaine et maudit ceux qui avaient supporté de la regarder.

 

Commentaires de Caligula

Paragraphe 22

Maintenant, comme le dit Suétone, nous allons pénétrer dans le fantasme pur. Finie l'histoire, place aux tabloïds. Caligula va désormais être l'objet des délires de l'auteur et de sa théorie du « prince fou ». Il va de soi que ce passage et les suivants sont ceux qui vont le plus satisfaire les tenants de la version draculienne de notre cher Caius. Les historiens devront maintenant chercher la réalité derrière les faits travestis et volontairement déformés par le filtre moral et les jugements thétiques d'un historien qui veut casser du César.

Les deux citations grecques sont issues de l'Iliade de Homère, respectivement du livre II, 204 et du livre XXIII, 724.

Le Jupiter Olympien est une œuvre du célèbre sculpteur Phidias.

Paragraphe 24

Où Suétone, qui se prend pour un journaliste d'un tabloïd anglais, nous entretient de la passion incestueuse de Caius pour ses sœurs et de son amour plus que romantique pour sa sœur Drusilla... Voilà devant nos yeux comment un auteur habile peut, en mêlant le vrai et le faux, créer une ambiance sulfureuse en exploitant les propres obsessions de ses lecteurs.

Aemilius Lepidus avait été marié avec Drusilla.

Paragraphe 25

Sacré Suétone ! La petite Julia Drusilla, cette furie et terreur de maternelles, avait à peine 14 mois quand elle fut écrasée contre un mur par les assassins de Caligula et de Caesonnia, le 24 janvier 41 après J.-C.

Pour ce qui est de l'allusion à des mariages célèbres, Romulus se maria avec Hersilia et Auguste avec Livie, toutes les deux déjà mariées.

Lollia Paulina chercha plus tard à épouser Claude, après la mort de Messaline ; Agrippine la fit alors périr.

Paragraphe 26

« Léger » comme le latin levis a bien le sens de « sans intérêt » ou « de peu d'importance ». Après les excès du paragraphe précédent, Suétone semble se plaindre d'en venir à un développement moins terrible. Pourquoi feint-il de déclarer sans importance les faits qu'il va développer ? S'ils étaient aussi peu chauds et intéressants, n'aurait-il pas dû commencer par eux et aller en crescendo dans « l'horreur » ? Pourquoi Suétone avoue-t-il comme un défaut de composition ? Est-il si sincère ?

Les dîmes sont une sorte de présent fait au peuple.

Paragraphe 27

L'expressions « du chauve au chauve » signifie « indistinctement ». Peut-être les condamnés aux deux extrémités de la file étaient-ils chauves. À moins qu'il ne cherchât à mieux souligner sa haine à l'égard des Séjans puisque, en souvenir du préfet Séjan, tous les chauves étaient appelés Seiani.

De quelle terrasse s'agit-il ? Suétone écrit agger sans plus, non pas pour désigner n'importe quelle terrase mais parce qu'à Rome cet agger était identifiable par ses lecteurs. En effet, les Anciens parlent de cette terrasse qui s'étendait sur 1 300 mètres de long entre les portes Collina et Esquilina : c'est la partie est de l'enceinte de Servius Tullius, avec au centre, c'est à dire entre les deux portes, la porta Viminalis. C'est une terrasse où se déroulaient des exécutions. Ce site est un des plus hauts de Rome – une soixantaine de mètres au dessus du niveau de la mer. Près de l'Agger de Servius, quartier populeux et plébéien, se situait le camp des prétoriens, là où Néron, artifex, passa ses derniers instants, et une vaste esplanade où ces prétoriens effectuaient leurs manœuvres.
Pline L'Ancien nous rapporte en effet (3, 67) :

« Clauditur ab oriente aggere Tarquini Superbi, inter prima opere mirabili. Namque eum muris aequavit qua maxime patebat aditu plano. »

« À l'est, la Ville est fermée par la terrasse de Tarquin le Superbe, ouvrage admirable parmi les premiers car il l'éleva à hauteur des murs en un endroit où s'ouvrait une entrée plane. »

Et Juvénal dit que « Plebeium in Circo positum est et in aggere fatum » (6, 588) « non quae ventoso conducta sub aggere texit » (8, 43).

« Le destin de la plèbe est placé dans le Cirque
Et sur le talus. »

« Et non d'une ouvrière
Tissant sous le talus ouvert aux quatre vents. »

Paragraphe 29

L'ellébore produite par l'île d'Anticyre passait pour un remède contre la folie.
La Gallogrèce est la Galatie, pays d'Asie Mineure cédé en 278 avant J.-C. par Nicomède Ier, roi de Bithynie, aux bandes gauloises qui avaient pillé Delphes en 280. Auguste en fit une province romaine en 25 avant J.-C. Sa ville principale était Ancyre, l'actuelle Ankara, où se trouve le temple d'Auguste sur lequel sont gravés les Res gestae diui Augusti.

Suétone est à lire avec des pincettes. Ne tombons pas dans le piège de sa propagande facile et relisons bien le paragraphe pour voir ce qui relève du tabloïd ou de l'histoire. Tout d'abord Suétone prétend qu'il aggravait ses crimes par ses commentaires ou son humour noir. Ça, c'est de l'humour suétonien. Mais voyons le dossier à charge...

Il faut en conséquence savoir lire Suétone entre les lignes.
Il serait intéressant de voir si les événements correspondants sont aussi rapportés par Tacite. Le problème est que les Annales sont malheureusement interrompues dès le règne de Caius Caesar jusqu'au milieu du règne de Claude. C'est long comme lacune...
Il est vrai que cette époque est celle qui correspondait à celle des premières années qui suivaient la naissance du christianisme... peut-être cette lacune a-t-elle été voulue par les moines... qui sait ? Rien dans Tacite en tout cas.

On trouve le règne de Caius décrit de façon chronologique chez Dion Cassius, un historien de seconde zone du IIIe siècle, mais la plupart des « folies » décrites par Suétone manquent et le Caius décrit par Dion Cassius en fait d'autres ! Un exemple dans le livre 59 (§ 22, traduction de Janick Auberger, Les Belles Lettres) : « Et un autre jour qu'il jouait aux dés, apprenant qu'il n'avait plus d'argent, il demanda les listes recensant les Gaulois, ordonna de mettre à mort les plus riches d'entre eux et revint vers ses compagnons de dés en disant : « Vous, vous luttez pour quelques drachmes, moi je viens d'en réunir soixante millions. » Ces hommes moururent sans raison aucune. »

Paragraphe 30

Il est possible et certainement assuré que Caius ait pu dire la phrase « ita feri ut se mori sentiat » (« frappe-le de sorte qu'il se sente mourir ») à l'un de ses ennemis qu'il avait à cœur de faire souffrir et dont la mort devait être exemplaire ou d'une douleur incroyable. Cependant, Suétone, lui, industrialise la chose. À chaque condamné, Caligula se rendait à la prison et disait au bourreau la fameuse phrase. Là, nous avons à faire à de la calomnie, de la désinformation et la mise en scène de ce Caligula qui plaît tant aux « historiens » en mal de sensationnel et d'empereurs fous.

Quelle est la folie de Caius Caligula ? Dire aux autres, c'est-à-dire aux orgueilleux sénateurs, « je suis votre dominus et non plus votre princeps ». Il n'a pas pris les formes et rejeta l'hypocrisie d'Auguste et de Tibère qui se disaient officiellement principes alors qu'ils étaient déjà domini.
Cette vérité dite à la face des sénateurs lui sera fatale. On en fera un fou et on damnera sa mémoire.

Ensuite, Suétone s'amuse à récolter de-ci de-là des excentricités que Caligula a faites ou n'a fait que dire, et l'historien grossit le trait à chaque fois. Tout ce que fait Caligula dans la biographie de Suétone est au mieux étrange, au pire inhumain... toute la biographie est bardée d'exemples, tous plus ou moins loufoques, mais il fallait remplir cette biographie d'un homme dont l'enfance a été cachée et protégée par ses grands-mères pour qu'il survive à la purge de Tibère contre la famille de Germanicus. Caligula est le seul survivant des fils de Germanicus ; Tibère et Séjan avaient supprimé les deux frères et la mère de Caligula, dont l'adolescence se passa sur l'île de Capri à cacher ses sentiments surveillés par Tibère vieillissant et de plus en plus cruel, et un règne d'à peine 3 ans.

Son règne fut court et se termina par son assassinat. C'est le premier César assassiné après l'autre Caius Julius Caesar. Il est donc fou. On n'assassine pas un maître mais un tyran, etc. Il n'y a pas de fumée sans feu, et Caligula qui échappa à une ou deux conjurations finit par se faire assassiner. Cette fin démontre que les sénateurs n'en voulaient pas comme empereur et ils sont parvenus à leur fin. Caligula n'a pas ménagé les sénateurs et ils l'ont supprimé. Mais en faire un fou viendra après par Sénèque dans son De Ira, par la biographie de sa sœur Agrippine, la mère de Néron, un autre empereur jugé fou, et d'autres courtisans du règne de Claude.

Suétone rassemble tout cela et en rajoute par l'ambiguïté de ses phrases, par ses tournures de phrases, ce style quasi neutre et presque impartial et cette manie de faire d'un exemple une généralité.

 

↑ Retour au haut de cette page

Pages connexes

← Retour au menu précédent

 


Les traductions et discussions qui sont proposées dans les Jardins de Lucullus font l'objet d'un travail commun et de débats sur les forums Usenet ; les discussions originelles sont archivées sur Google Groups. Les pseudonymes ou noms réels cités sur cette page sont ceux de certains des participants, que je remercie ici pour leur perpétuelle sympathie qui confère sans cesse aux forums une atmosphère chaleureuse.