De natura deorum – Liber III (I à X)
Ugo Bratelli, participant actif aux
forums de langues anciennes, est l'auteur de la traduction du troisième livre du
De natura deorum, traduction française qui est d'ailleurs la première depuis plus d'un demi-siècle !
Le troisième livre du
De natura deorum est téléchargeable dans
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Pars I
[I] Quae cum Balbus dixisset, tum adridens Cotta « Sero », inquit, « mihi, Balbe, praecipis, quid defendam. Ego enim te disputante, quid contra dicerem, mecum ipse meditabar neque tam refellendi tui causa quam ea, quae minus intellegebam, requirendi. Cum autem suo cuique iudicio sit utendum, difficile factu est me id sentire, quod tu uelis. »
[1] À ces mots de Balbus, Cotta sourit et dit : « Il est tard pour que tu me suggères la thèse que je dois défendre. Car, tout en écoutant ton exposition, je réfléchissais aux objections que je pourrais te faire, non tant pour te réfuter que pour t'interroger sur les points qui pour moi étaient les moins clairs. Or, comme chacun doit utiliser son propre jugement, le fait est qu'il m'est difficile dans la pratique d'adopter ton opinion. »
[II] Hic Velleius « Nescis », inquit, « quanta cum expectatione, Cotta, sim te auditurus. Iucundus enim Balbo nostro sermo tuus contra Epicurum fuit ; praebebo igitur ego me tibi uicissim attentum contra Stoicos auditorem. Spero enim te, ut soles, bene paratum uenire. »
[2] Alors Velléius dit : « Tu ne sais pas combien je suis impatient de t'entendre, Cotta. Balbus s'est réjoui de ton discours contre Épicure ; aussi, à mon tour, je me poserai en écouteur attentif à ce que tu diras à l'encontre des Stoïciens. Et j'espère que tu viendras bien aguerri, comme à ton habitude. »
[III] Tum Cotta « Sic mehercule », inquit, « Vellei ; neque enim mihi par ratio cum Lucilio est, ac tecum fuit ». « Qui tandem ? » inquit ille. « Quia mihi uidetur Epicurus uester de dis immortalibus non magnopere pugnare : tantummodo negare deos esse non audet, ne quid inuidiae subeat aut criminis ; cum uero deos nihil agere, nihil curare confirmat membrisque humanis esse praeditos, sed eorum membrorum usum nullum habere, ludere uidetur satisque putare, si dixerit esse quandam beatam naruram et aeternam.
[3] Alors Cotta dit : « Pour sûr, par Hercule ! Velléius, car ma polémique avec Lucilius est différente de celle que j'ai eue avec toi ». « Comment cela ? » demanda-t-il. « C'est qu'il me semble que votre Épicure ne fait pas montre d'une grande combativité sur la question des dieux immortels : il n'ose pas en nier l'existence, pour ne s'exposer aux reproches ou à une accusation, et ça s'arrête là ; quand ensuite il affirme que les dieux ne font rien, ne s'occupent de rien, qu'ils sont dotés de membres humains mais qu'ils n'en font aucun usage, j'ai l'impression qu'il plaisante et qu'il estime suffisant d'avoir affirmé qu'il existe un être heureux et éternel.
[IV] A Balbo autem animaduertisti, credo, quam multa dicta sint quamque, etiamsi minus uera, tamen apta inter se et cohaerentia. Itaque cogito, ut dixi, non tam refellere eius orationem quam ea, quae minus intellexi, requirere. Quare, Balbe, tibi permitto, responderene mihi malis de singulis rebus quaerenti ex te ea, quae parum accepi, an uniuersam audire orationem meam. » Tum Balbus : « Ego uero, si quid explanari tibi uoles, respondere malo ; sin me interrogare non tam intellegendi causa quam refellendi, utrum uoles, faciam, uel ad singula, quae requires, statim respondebo uel, cum peroraris, ad omnia. »
[4] Je crois par ailleurs que tu as remarqué la quantité d'arguments exposés par Balbus, et combien ils sont liés les uns aux autres, et cohérents, même s'ils ne contiennent aucun fonds de vérité. C'est pourquoi je pense, comme je l'ai dit, que je ne vais pas réfuter ton discours mais m'informer de ce qui demeure, pour moi, le moins clair. Par conséquent, Balbus, je te laisse le choix : répondre à mes questions sur ce que je n'ai pas compris, point par point, ou écouter l'intégralité de mon discours ».
Pars II
[V] Tum Cotta « Optime », inquit ; « quam ob rem sic agamus, ut nos ipsa ducit oratio. Sed antequam de re, pauca de me. Non enim mediocriter moueor auctoritate tua, Balbe, orationeque ea, quae me in perorando cohortabatur, ut meminissem me et Cottam esse et pontificem ; quod eo, credo, ualebat, ut opiniones, quas a maioribus accepimus de dis immortalibus, sacra, caerimonias religionesque defenderem. Ego uero eas defendam semper semperque defendi nec me ex ea opinione, quam a maioribus accepi de cultu deorum inmortalium, ullius umquam oratio aut docti aut indocti mouebit. Sed cum de religione agitur, Ti. Coruncanium, P. Scipionem, P. Scaeuolam pontifices maximos, non Zenonem aut Cleanthen aut Chrysippum sequor habeoque C. Laelium augurem eundemque sapientem, quem potius audiam dicentem de religione in illa oratione nobili quam quemquam principem Stoicorum. Cumque omnis populi Romani religio in sacra et in auspicia diuisa sit, tertium adiunctum sit, si quid praedictionis causa ex portentis et monstris Sibyllae interpretes haruspicesue monuerunt, harum ego religionum nullam umquam contemnendam putaui mihique ita persuasi, Romulum auspiciis, Numam sacris constitutis fundamenta iecisse nostrae ciuitatis, quae numquam profecto sine summa placatione deorum inmortalium tanta esse potuisset.
[5] Cotta dit alors : « Très bien, bon, allons-y, et que notre discussion elle-même nous serve de fil conducteur. Mais avant d'entrer dans le sujet, commençons par quelques mots sur moi. Je ne suis pas peu influencé par ton autorité, Balbus, et par ton discours : sa conclusion m'exhortait à me rappeler que je suis Cotta et un pontife : ce qui, je pense, signifie que mon devoir est de défendre les croyances sur les dieux immortels, qui nous ont été transmises par nos ancêtres, par les rites, les cérémonies, les pratiques religieuses. Je tiens à dire que je les défendrai toujours, et toujours je les ai défendues, et le discours d'aucun homme, cultivé ou ignorant, ne me détournera de ma foi dans le culte des dieux immortels que j'ai reçu de nos ancêtres. Mais en religion, je suis les grands pontifes Tibérius Coruncanius, Publius Scipion et Publius Scévola, non Zénon, Cléante ou Chrysippe ; et je préfère écouter Caius Lélius, augure, et sage de surcroît, quand il parle de religion dans son célèbre discours, plutôt qu'un quelconque chef de file du stoïcisme. Rites et auspices se partagent toute la religion du peuple romain ; il convient d'ajouter un troisième élément : les prédictions des interprètes de la Sibylle et des haruspices, fondées sur l'observation des phénomènes et des prodiges ; je n'ai jamais pensé qu'on devait négliger aucune de ces pratiques, et je reste convaincu que Romulus avec les auspices, Numa avec l'institution du rituel ont jeté les bases de notre cité, qui n'aurait certainement jamais atteint une telle grandeur si les dieux immortels n'avaient été souverainement propices.
[VI] Habes, Balbe, quid Cotta, quid pontifex sentiat ; fac nunc ego intellegam, tu quid sentias ; a te enim philosopho rationem accipere debeo religionis, maioribus autem nostris etiam nulla ratione reddita credere. » Tum Balbus « Quam igitur a me rationem », inquit, « Cotta, desideras ? » Et ille « Quadripertita », inquit, « fuit diuisio tua, primum ut uelles docere deos esse, deinde quales essent, tum ab is mundum regi, postremo consulere eos rebus humanis. Haec, si recte memini, partitio fuit ». « Rectissume », inquit Balbus ; « sed expecto, quid requiras ».
[6] Voilà, Balbus, l'opinion de Cotta le pontife. À présent, fais-moi connaître la tienne ; de toi qui es un philosophe je dois entendre une justification rationnelle de la religion, tandis qu'il est de mon devoir de croire à nos ancêtres sans aucune preuve ». Alors Balbus : « Quelle justification attends-tu de moi, Cotta ? » Cotta dit : « Tu as divisé ton analyse en quatre parties : en premier lieu, tu as voulu démontrer l'existence des dieux, puis leur nature, ensuite qu'ils gouvernent le monde, enfin qu'ils veillent aux choses humaines. C'était, si ma mémoire est bonne, ta division ». « Exact », dit Balbus, « Mais j'attends ta question. »
Pars III
[VII] Tum Cotta « Primum quidque uideamus », inquit, « et si id est primum, quod inter omnis nisi admodum impios conuenit, mihi quidem ex animo exuri non potest, esse deos, id tamen ipsum, quod mihi persuasum est auctoritate maiorum, cur ita sit, nihil tu me doces ». « Quid est », inquit Balbus, « si tibi persuasum est, cur a me uelis discere ? » Tum Cotta « Quia sic adgredior », inquit, « ad hanc disputationem, quasi nihil umquam audierim de dis immortalibus, nihil cogitauerim ; rudem me et integrum discipulum accipe et ea, quae requiro, doce ».
[7] Alors Cotta répondit : « Considérons chacun des points en particulier. Si la première affirmation concerne l'existence des dieux, croyance partagée par tous, hormis par les impies, et qui ne peut s'effacer de mon esprit, cette croyance, toutefois, dont je demeure convaincu par l'autorité de nos ancêtres, tu ne la démontres pas ». « Eh bien », dit Balbus, « si tu en es convaincu, quel besoin ai-je d'en faire la démonstration ? » À quoi Cotta répondit : « La raison est je me joins à cette discussion comme si je n'avais jamais entendu ni rien pensé sur les dieux immortels ; accepte-moi comme un élève ignorant et primitif, et enseigne-moi ce que je te demande. »
[VIII] « Dic igitur », inquit, « quid requiras ». « Egone, primum illud, cur, quom istam partem ne egere quidem oratione dixisses, quod esset perspicuum et inter omnis constaret deos esse, de eo ipso tam multa dixeris ». « Quia te quoque », inquit, « animaduerti, Cotta, saepe, cum in foro diceres, quam plurimis posses argumentis onerare iudicem, si modo eam facultatem tibi daret causa. Atque hoc idem et philosophi faciunt et ego, ut potui, feci. Tu autem quod quaeris, similiter facis, ac si me roges, cur te duobus contuear oculis et non altero coniueam, cum idem uno adsequi possim. »
[8] « Apprends-moi alors », dit-il, « ce que tu veux savoir. » Ce que je veux savoir ? Avant toutes choses, pourquoi tu t'es dépensé à clarifier, avec force détails, une vérité si manifeste, dont toi-même tu avais affirmé qu'elle n'avait même pas besoin d'être discutée, étant donné que l'existence des dieux est une évidence sur laquelle tout le monde s'accorde. « Parce que j'ai remarqué », dit-il, « que souvent toi aussi, Cotta, quand tu t'exprimais au forum, tu accablais le juge sous le plus grand nombre d'arguments possible, pourvu que la cause t'en fournît l'opportunité. Et les philosophes agissent pareillement, et moi-même j'ai appliqué cette méthode pour autant que cela m'a été possible. Mais toi, en me posant cette question, c'est comme si tu me demandais pourquoi je te regarde avec mes deux yeux et que je n'en ferme pas un, puisque je peux arriver au même résultat avec un seul. »
Pars IV
[IX] Tum Cotta « Quam simile istud sit », inquit, « tu uideris ». Nam ego neque in causis, si quid est euidens, de quo inter omnis conueniat, argumentari soleo – perspicuitas enim argumentatione eleuatur – nec, si id facerem in causis forensibus, idem facerem in hac suptilitate sermonis. Cur coniueres autem altero oculo, causa non esset, cum idem optutus esset amborum et cum rerum natura, quam tu sapientem esse uis, duo lumina ab animo ad oculos perforata nos habere uoluisset. Sed quia non confidebas tam esse id perspicuum, quam tu uelis, propterea multis argumentis deos esse docere uoluisti. Mihi enim unum sat erat, ita nobis maioris nostros tradidisse. Sed tu auctoritates contemnis, ratione pugnas ;
[9] Alors Cotta répondit : « Jusqu'à quel point cette comparaison tient, à toi de le démontrer. » Pour ce qui me concerne, lors des procès, quand un fait est évident et admis par tous, je n'ai pas pour habitude d'en discuter (car l'argumentation affaiblit l'évidence), et quand bien même je me comporterais ainsi dans les affaires judiciaires, je ne me lancerais pas dans des analyses subtiles. De plus, il n'y aurait aucune raison de fermer un œil : les deux ont le même champ visuel, et la nature, que tu considères comme sage, a voulu que nous ayons deux fenêtres qui vont de l'esprit aux yeux. Mais si tu as voulu démontrer, avec force arguments, l'existence des dieux, c'est que tu n'étais pas sûr qu'elle était aussi évidente que tu l'aurais voulu. Quant à moi, le seul fait que nos ancêtres nous ont transmis cette croyance aurait été suffisant. Mais tu méprises leur autorité et tu combats avec la raison.
[X] patere igitur rationem meam cum tua ratione contendere. Adfers haec omnia argumenta, cur dii sint, remque mea sententia minime dubiam argumentando dubiam facis ; mandaui enim memoriae non numerum solum, sed etiam ordinem argumentorum tuorum. Primum fuit, cum caelum suspexissemus, statim nos intellegere esse aliquod numen, quo haec regantur. Ex hoc illud etiam : « Aspice hoc sublime candens, quem inuocant omnes Iouem » ;
[10] Permets donc que ma raison rivalise avec la tienne. Tu avances tous ces arguments pour démontrer l'existence des dieux, et, avec tes argumentations, tu rends douteux un fait qui, à mon avis, ne l'est absolument pas ; j'ai en mémoire non seulement le nombre, mais aussi l'ordre de tes arguments. Le premier était que, quand nous tournons notre regard vers le ciel, nous comprenons immédiatement qu'il existe une puissance qui gouverne le firmament. D'où également cette citation : « Regarde cette splendeur là-haut, que tous invoquent avec le nom de Jupiter » ;
[XI] quasi uero quisquam nostrum istum potius quam Capitolinum Iouem appellet aut hoc perspicuum sit constetque inter omnes, eos esse deos, quos tibi Velleius multique praeterea ne animantis quidem esse concedant. Graue etiam argumentum tibi uidebatur, quod opinio de dis inmortalibus et omnium esset et cottidie cresceret : placet igitur tantas res opinione stultorum iudicari, uobis praesertim, qui illos insanos esse dicatis ?
[11] vraiment comme si quelqu'un de nous l'invoquait, elle, plutôt que Jupiter Capitolin, ou qu'il était évident et universellement admis qu'ils étaient des dieux, ces êtres que Velléius et beaucoup d'autres n'admettraient même pas qu'ils fussent vivants. Que la croyance dans les dieux immortels est universelle, et se répand de jour en jour, te paraissait aussi un argument important : vous semble-t-il donc juste de juger des arguments si importants en se fondant sur les opinions des sots, ces sots que vous considérez comme des aliénés ?
Pars V
« At enim praesentis uidemus deos, ut apud Regillum Postumius, in Salaria Vatinius » – nescio quid etiam de Locrorum apud Sagram proelio. Quos igitur tu Tyndaridas appellabas, id est homines homine natos, et quos Homerus, qui recens ab illorum aetate fuit, sepultos esse dicit Lacedaemone, eos tu cum cantheriis albis nullis calonibus obuiam Vatinio uenisse existimas et uictoriam populi Romani Vatinio potius homini rustico quam M. Catoni, qui tum erat princeps, nuntiauisse ? Ergo et illud in silice, quod hodie apparet apud Regillum, tamquam uestigium ungulae Castoris equi credis esse ?
« Mais nous voyons les dieux apparaître en personne, comme Postumius les vit au lac Régille, et Vatinius sur la via Salaria », sans parler de la bataille que les Locrésiens livrèrent sur le Sagra. Tu crois vraiment que ceux que tu appelais les fils de Tyndare, c'est-à-dire des hommes nés d'hommes, et qui, selon Homère, qui vécut peu de temps après eux, ont été enterrés à Sparte, vinrent à la rencontre de Vatinius sur des chevaux blancs, sans escorte, et annoncèrent la victoire du peuple romain à ce Vatinius, un paysan, plutôt qu'à Marcus Caton qui était alors le citoyen le plus en vue ? Donc tu penses que cette marque dans la roche, que l'on voit aujourd'hui au lac Régille, et qui ressemble à l'empreinte d'un sabot, a été laissée par le cheval de Castor ?
[XII] Nonne mauis illud credere, quod probari potest, animos praeclarorum hominum, quales isti Tyndaridae fuerunt, diuinos esse et aeternos quam eos, qui semel cremati essent, equitare et in acie pugnare potuisse. Aut si hoc fieri potuisse dicis, doceas oportet, quomodo, nec fabellas aniles proferas. »
[12] Ou ne préfères-tu pas croire, ce qui peut être démontré, que les âmes des hommes illustres, comme le furent les fils de Tyndare, soient divines et éternelles, plutôt qu'imaginer que, une fois brûlés, ils aient pu enfourcher leur cheval et se mêler à la bataille ? Ou si tu affirmes que cela a pu arriver, il faut que tu expliques de quelle manière, au lieu de raconter des histoires à dormir debout. »
[XIII] Tum Lucilius « An tibi », inquit, « fabellae uidentur ? Nonne ab A. Postumio aedem Castori et Polluci in foro dedicatam, nonne senatus consultum de Vatinio uides ? Nam de Sagra Graecorum etiam est uolgare prouerbium, qui quae adfirmant certiora esse dicunt quam illa, quae apud Sagram. His igitur auctoribus nonne debes moueri ? »
[13] Alors Lucilius prit la parole : « Tu crois vraiment que ce sont des contes ? Aulus Postumius n'a-t-il pas consacré au forum un temple à Castor et Pollux ? Ne connais-tu pas le décret du Sénat au sujet de Vatinius ? Pour ce qui concerne le Sagra, il existe aussi un proverbe grec populaire : quand quelqu'un veut appuyer l'authenticité d'un fait, il déclare qu'il est plus vrai que les événements du Sagra. Alors, de tels témoignages ne doivent-ils pas t'influencer ? »
Pars VI
Tum Cotta « Rumoribus », inquit, « mecum pugnas, Balbe ; ego autem a te rationes requiro [*].
Alors Cotta : « Tu luttes avec moi, Balbus, en t'appuyant sur des rumeurs ; moi, au contraire, j'exige de toi des arguments rationnels [lacune].
[XIV] Fati necessitate secuntur, quae futura sunt ; effugere enim nemo id potest, quod futurum est. Saepe autem ne utile quidem est scire, quid futurum sit ; miserum est enim nihil proficientem angi nec habere ne spei quidem extremum et tamen commune solacium ; praesertim cum uos idem fato fieri dicatis omnia, quod autem semper ex omni aeternitate uerum fuerit, id esse fatum : quid igitur iuuat aut quid adfert ad cauendum scire aliquid futurum, cum id certe futurum sit ? Unde porro ista diuinatio, quis inuenit fissum iecoris, quis cornicis cantum notauit, quis sortis ? Quibus ego credo nec possum Atti Naui, quem commemorabas, lituum contemnere ; sed qui ista intellecta sint a philosophis, debeo discere, praesertim cum plurimis de rebus diuini isti mentiantur.
[14] Suivent les faits qui adviendront ; nul ne peut se soustraire à ce qui doit arriver. Et souvent il n'est même pas utile de connaître l'avenir, parce qu'il est triste de s'angoisser en vain, sans avoir même l'extrême et cependant universelle consolation de l'espérance, d'autant plus que vous, vous affirmez que tout arrive selon le vouloir du destin, et que le destin est ce qui a toujours été vrai depuis toute l'éternité ; qui donc peut tirer profit de savoir qu'un événement arrivera, de prendre ses dispositions pour l'éviter, puisqu'il arrivera inéluctablement ? Et puis, d'où vient cet art de la divination ? Qui est à l'origine de l'incision du foie ? Qui a interprété le croassement de la corneille ? Qui, la prophétie avec les tablettes ? Je crois en ces pratiques, et je me garderais bien de négliger aussi le bâton d'augure d'Attus Navius que tu rappelais : mais il me faut apprendre des philosophes comment ces pratiques sont comprises ; d'autant plus que ces devins racontent de nombreux mensonges.
[XV] « At medici quoque » – ita enim dicebas – « saepe falluntur. » Quid simile medicina, cuius ego rationem uideo, et diuinatio, quae unde oriatur non intellego ? Tu autem etiam Deciorum deuotionibus placatos deos esse censes. Quae fuit eorum tanta iniquitas, ut placari populo Romano non possent nisi uiri tales occidissent ? Consilium illud imperatorium fuit, quod Graeci strategema appellant, sed eorum imperatorum, qui patriae consulerent, uitae non parcerent ; rebantur enim fore, ut exercitus imperatorem equo incitato se in hostem inmittentem persequeretur, id quod euenit. Nam Fauni uocem equidem numquam audiui ; tibi, si audiuisse te dicis, credam, etsi, Faunus omnino quid sit, nescio.
[15] « Mais les médecins aussi », comme tu le disais en effet, « se trompent souvent ». Quelle ressemblance y a-t-il entre la médecine, en laquelle je reconnais une méthode rationnelle, et la divination, dont je ne comprends pas l'origine ? Et tu penses sans doute que les dieux ont été apaisés par le sacrifice des Décius. Mais comment les dieux ont-ils pu se montrer si injustes, au point de refuser de se réconcilier avec le peuple romain, si ce n'est en échange de la mort de tels hommes ? Ce fut une manœuvre des commandants, que les Grecs appellent stratagème, mais de ces commandants qui font passer l'intérêt de la patrie au mépris de leur propre vie ; ils avaient la conviction que si un commandant s'était lancé au galop contre l'ennemi, l'armée aurait suivi, ce qui effectivement arriva. En vérité je n'ai jamais entendu la voix d'un faune ; si tu affirmes l'avoir entendue, je te crois, quoique je ne sache absolument pas ce qu'est un faune.
[XVI] Non igitur adhuc, quantum quidem in te est, Balbe, intellego deos esse ; quos equidem credo esse, sed nil docent Stoici.
[16] Donc, Balbus, pour autant que cela dépend de toi, je ne comprends pas encore que les dieux existent ; certainement je crois qu'ils existent, mais les Stoïciens, en fait, ne le démontrent pas.
Pars VI
Nam Cleanthes, ut dicebas, quattuor modis informatas in animis hominum putat deorum esse notiones. Unus is modus est, de quo satis dixi, qui est susceptus ex praesensione rerum futurarum ; alter ex perturbationibus tempestatum et reliquis motibus ; tertius ex commoditate rerum, quas percipimus, et copia ; quartus ex astrorum ordine caelique constantia. De praesensione diximus. De perturbationibus caelestibus et maritimis et terrenis non possumus dicere, cum ea fiant, non esse multos, qui illa metuant et a dis inmortalibus fieri existument ;
En effet Cléante, comme tu le disais, est convaincu que l'idée de dieu s'est formée dans l'esprit de l'homme de quatre façons. L'une est celle dont j'ai déjà parlé suffisamment, et qui vient de la perception des événements futurs ; la deuxième s'appuie sur les perturbations atmosphériques et les autres cataclysmes naturels ; la troisième sur l'abondance et l'utilité des avantages que nous recevons ; la quatrième sur l'ordre des astres et la régularité des mouvements célestes. Nous avons déjà parlé de la divination. Quant aux bouleversements célestes, maritimes et terrestres, nous ne pouvons nier que quand ils se produisent, nombreux sont ceux qui les craignent et pensent qu'ils sont provoqués par les dieux immortels ;
[XVII] sed non id quaeritur, sintne aliqui, qui deos esse putent : di utrum sint necne sint, quaeritur. Nam reliquae causae, quas Cleanthes adfert, quarum una est de commodorum, quae capimus, copia, altera de temporum ordine caelique constantia, tum tractabuntur a nobis, cum disputabimus de prouidentia deorum, de qua plurima a te, Balbe, dicta sunt ;
[17] mais la question n'est pas qu'il y ait des gens qui croient en l'existence des dieux, la question est : les dieux existent-ils ou non ? Quant aux autres causes adoptées par Cléante, l'abondance des avantages que nous recevons, et l'alternance ordonnée des saisons et la régularité des mouvements célestes, nous les traiterons quand nous discuterons de la providence divine, sur laquelle toi, Balbus, tu t'es longuement étendu ;
[XVIII] eodemque illa etiam differemus, quod Chrysippum dicere aiebas, quoniam esset aliquid in rerum natura, quod ab homine effici non posset, esse aliquid homine melius, quaeque in domo pulchra cum pulchritudine mundi comparabas, et cum totius mundi conuenientiam consensumque adferebas ; Zenonisque breuis et acutulas confusiones in eam partem sermonis, quam modo dixi, differemus ; eodemque tempore illa omnia, quae a te physice dicta sunt de ui ignea deque eo calore, ex quo omnia generari dicebas, loco suo quaerentur ; omniaque, quae a te nudius tertius dicta sunt, cum docere uelles deos esse, quare et mundus uniuersus et sol et luna et stellae sensum ac mentem haberent, in idem tempus reseruabo.
[18] et nous renverrons à ce même moment l'examen de l'affirmation que tu attribues à Chrysippe : comme il y a dans la nature quelque chose qui ne peut être accompli par l'homme, il existe alors quelque chose de supérieur à l'homme ; et nous considérerons aussi ta comparaison entre la beauté d'une maison et celle du monde, et l'harmonie et l'accord de toutes les parties du monde que tu produisais comme preuve. Dans cette partie du discours, dont on vient de parler, je me réserve également de réexaminer les conclusions brèves et concises de Zénon ; et, dans le même temps, et au moment opportun, tous les arguments scientifiques que tu as adoptés, qui se rapportent à la force ignée, et à la chaleur dont tout est généré, seront examinés ; toutes les raisons que tu as exposées avant-hier, et qui prouveraient que le monde dans sa totalité, et le soleil et la lune et les étoiles, possèdent intelligence et sensibilité.
Pars VIII
[XIX] A te autem idem illud etiam atque etiam quaeram, quibus rationibus tibi persuadeas deos esse. » Tum Balbus : « Equidem attulisse rationes mihi uideor, sed eas tu ita refellis, ut, cum me interrogaturus esse uideare et ego me ad respondendum compararim, repente auertas orationem nec des respondendi locum. Itaque maximae res tacitae praeterierunt, de diuinatione, de fato, quibus de quaestionibus tu quidem strictim, nostri autem multa solent dicere, sed ab hac ea quaestione, quae nunc in manibus est, separantur ; quare, si uidetur, noli agere confuse, ut hoc explicemus, hac disputatione quod quaeritur. »
[19] Mais je te le demanderai une fois encore : quelles raisons t'ont amené à croire en l'existence des dieux ? » Alors Balbus : « À dire vrai, il me semble avoir apporté les raisons ; mais tu les réfutes de telle manière que, tandis que tu feins de m'interroger, et que je m'apprête à répondre, tu changes subitement de conversation et tu ne me donnes pas la possibilité de répliquer. C'est pourquoi sont passés sous silence des points de la plus grande importance, relatifs à la divination, au destin, des sujets dont tu as parlé sommairement, mais que ceux de notre école ont l'habitude de traiter dans le détail ; ces arguments, cependant, sont distincts du problème qui nous occupe en ce moment ; donc, s'il te plaît, efforce-toi de procéder par ordre, de façon à nous donner la possibilité d'éclaircir le problème qui est l'objet de cette discussion. »
[XX] « Optime », inquit Cotta. « Itaque quoniam quattuor in partes totam quaestionem diuisisti de primaque diximus, consideremus secundam ; quae mihi talis uidetur fuisse, ut, cum ostendere uelles, quales di essent, ostenderes nullos esse. A consuetudine oculorum animum abducere difficillimum dicebas, sed, cum deo nihil praestantius esset, non dubitabas, quin mundus esset deus, quo nihil in rerum natura melius esset : modo possemus eum animantem cogitare uel potius ut cetera oculis, sic animo hoc cernere.
[20] « Très bien » dit Cotta. « Alors, comme tu as divisé toute ta théorie en quatre parties, et que nous avons parlé de la première, considérons la deuxième. Il me semble qu'elle n'a eu qu'un effet : alors que tu t'ingéniais à faire la lumière sur la nature des dieux, tu as démontré que les dieux n'existent pas. Tu déclarais qu'il est très difficile de dissocier l'esprit du pouvoir que les perceptions visives exercent ordinairement sur lui ; mais comme rien n'est supérieur à dieu, tu ne doutais pas que le monde était dieu, parce que dans la nature il n'est rien de meilleur : ah !, si nous pouvions concevoir le monde comme un être animé, ou plutôt comprendre ce phénomène avec l'esprit, comme nous voyons tout le reste avec les yeux.
[XXI] Sed cum mundo negas quicquam esse melius, quid dicis melius ? Si pulchrius, adsentior ; si aptius ad utilitates nostras, id quoque adsentior ; sin autem id dicis, nihil esse mundo sapientius, nullo modo prorsus adsentior, non quod difficile sit mentem ab oculis seuocare, sed quo magis seuoco, eo minus id, quod tu uis, possum mente comprendere. « Nihil est mundo melius in rerum natura. »
[21] Mais quand tu affirmes que rien n'est meilleur que le monde, qu'entends-tu par « meilleur » ? Si tu veux dire « plus beau », je suis d'accord ; si tu veux dire « plus adapté à nos besoins », soit ; si au contraire tu affirmes que rien n'est plus sage que le monde, je ne suis absolument pas d'accord, non parce qu'il est difficile de dissocier l'esprit des perceptions visuelles, mais parce que plus je les dissocie, moins je réussis à comprendre ce que tu veux dire. « Rien en la nature n'est meilleur que le monde », dites-vous ?
Pars IX
Ne in terris quidem urbe nostra ; num igitur idcirco in urbe esse rationem, cogitationem, mentem putas aut, quoniam non sit, num idcirco existimas formicam anteponendam esse huic pulcherrumae urbi, quod in urbe sensus sit nullus, in formica non modo sensus, sed etiam mens, ratio, memoria ? Videre oportet, Balbe, quid tibi concedatur, non te ipsum, quod uelis, sumere.
Sur terre non plus il n'est rien de supérieur à notre ville : tu crois alors que pour ça la ville est dotée de raison, de pensée, d'esprit, ou, puisque ce n'est pas le cas, tu crois pour cela qu'une fourmi doit être tenue pour supérieure à cette très belle ville, parce que la ville n'a pas de sensibilité, alors que la fourmi possède non seulement la sensibilité, mais aussi l'esprit, la mémoire, la raison ? Il faut que tu prennes en considération, Balbus, les propositions que l'on te concède, et non tenir pour acquis, de ta propre initiative, celle que tu veux.
[XXII] Istum enim locum totum ilIa uetus Zenonis breuis et, ut tibi uidebatur, acuta conclusio dilatauit. Zeno enim ita concludit : « Quod ratione utitur, id melius est quam id, quod ratione non utitur ; nihil autem mundo melius ; ratione igitur mundus utitur. »
[22] Le vieux syllogisme de Zénon, concis, et, d'après toi, pénétrant, a développé l'intégralité de la question. Zénon argumente ainsi : « Ce qui est doté de raison est meilleur que ce qui ne l'est pas ; or rien n'est meilleur que le monde ; donc le monde est doté de raison. »
[XXIII] Hoc si placet, iam efficies, ut mundus optime librum legere uideatur ; Zenonis enim uestigiis hoc modo rationem poteris concludere : « Quod litteratum est, id est melius, quam quod non est litteratum ; nihil autem mundo melius ; litteratus igitur est mundus » – isto modo etiam disertus et quidem mathematicus, musicus, omni denique doctrina eruditus, postremo philosophus erit mundus. Saepe dixisti nihil fieri sine deo nec ullam uim esse naturae, ut sui dissimilia posset effingere : concedam non modo animantem et sapientem esse mundum, sed fidicinem etiam et tubicinem, quoniam earum quoque artium homines ex eo procreantur ? Nihil igitur adfert pater iste Stoicorum, quare mundum ratione uti putemus, nec cur animantem quidem esse. Non est igitur mundus deus ; et tamen nihil est eo melius : nihil est enim eo pulchrius, nihil salutarius nobis, nihil ornatius aspectu motuque constantius. Quod si mundus uniuersus non est deus, ne stellae quidem, quas tu innumerabilis in deorum numero reponebas. Quarum te cursus aequabiles aeternique delectabant, nec mehercule iniuria, sunt enim admirabili incredibilique constantia.
[23] Si tu acceptes ce raisonnement, tu parviendras à démontrer que le monde est capable de lire un livre à la perfection ; et prenant exemple sur Zénon, tu pourras argumenter ainsi : « Celui qui sait lire est supérieur à l'analphabète ; or rien n'est supérieur au monde ; donc le monde sait lire » ; de cette façon, il sera aussi éloquent, mathématicien, musicien, et expert dans toutes les sciences, et enfin philosophe. Tu as souvent affirmé que rien n'arrive sans intervention divine, et que la nature ne possède pas la faculté de créer des êtres différents d'elle : devrai-je admettre que le monde n'est pas seulement animé et sage, mais également joueur de lyre et de flûte, étant donné que les hommes versés dans ces arts sont créés par lui ? Le père du Stoïcisme ne fournit aucun argument qui nous amènerait à induire que le monde est doué de raison et qu'il est un être animé. Le monde n'est donc pas dieu, et cependant rien n'est meilleur que lui ; rien n'est en effet plus beau, plus adapté à notre conservation, rien n'est plus magnifique à voir ou plus régulier dans le mouvement. Et si l'univers n'est pas dieu, ne le sont pas non plus ces étoiles innombrables que tu rangeais parmi les dieux, et dont la course éternellement uniforme te réjouissait, à bon droit, par Hercule !, parce que leur régularité est extraordinaire et incroyable.
Pars X
[XXIV] Sed non omnia, Balbe, quae cursus certos et constantis habent, ea deo potius tribuenda sunt quam naturae. Quid Chalcidico Euripo in motu identidem reciprocando putas fieri posse constantius, quid freto Siciliensi, quid Oceani feruore illis in locis, « Europam Libyamque rapax ubi diuidit unda ? » Quid aestus maritimi uel Hispanienses uel Brittannici eorumque certis temporibus uel accessus uel recessus sine deo fieri nonne possunt ? Vide, quaeso, si omnis motus omniaque, quae certis temporibus ordinem suum conseruant, diuina dicimus, ne tertianas quoque febres et quartanas diuinas esse dicendum sit ; quarum reuersione et motu quid potest esse constantius ? Sed omnium talium rerum ratio reddenda est ;
[24] Mais il ne faut pas en conclure que tout ce qui possède un mouvement fixe et régulier doit être attribué à une divinité plutôt qu'à la nature, Balbus. Quoi de plus régulier que le mouvement alternatif de la marée dans l'Euripe de Chalcis ? Ou dans le détroit de Sicile ? Ou du bouillonnement des flots en ces régions où « l'onde impétueuse sépare l'Europe et la Libye » ? La marée en Espagne et en Bretagne, le flux et le reflux périodique, ne peuvent-ils pas se produire sans intervention divine ? Prends garde à ceci, veux-tu ? : si l'on déclare divins tous les mouvements et les événements qui reviennent avec une égale régularité, on finira par affirmer que la fièvre tierce et quarte sont divines : quoi de plus régulier que leur récurrence ? Ce sont là des phénomènes qu'il faut expliquer rationnellement.
[XXV] quod uos cum facere non potestis, tamquam in aram confugitis ad deum. Et Chrysippus tibi acute dicere uidebatur, homo sine dubio uersutus et callidus – uersutos eos appello, quorum celeriter mens uersatur, callidos autem, quorum tamquam manus opere, sic animus usu concalluit ; is igitur « Si aliquid est », inquit, « quod homo efficere non possit, qui id efficit, melior est homine ; homo autem haec, quae in mundo sunt, efficere non potest ; qui potuit igitur, is praestat homini ; homini autem praestare quis possit nisi deus ; est igitur deus ». Haec omnia in eodem, quo illa Zenonis, errore uersantur.
[25] et comme vous n'y réussissez pas, vous vous réfugiez auprès du dieu comme à l'autel. Même Chrysippe, selon toi, s'exprimerait avec pénétration, un homme sans aucun doute souple et exercé – j'appelle souples ceux dont l'esprit se meut avec rapidité, exercés ceux dont l'esprit s'est fortifié dans l'expérience, comme les mains acquièrent de l'aisance à refaire un même travail ; donc Chrysippe affirme : « s'il existe quelque chose que l'homme n'est pas capable de créer, l'être qui l'a créé est meilleur que l'homme ; or l'homme n'est pas capable de créer ces choses qui se trouvent dans le monde ; l'être qui en a été capable est donc supérieur à l'homme : or qui peut être supérieur à l'homme sinon dieu ? Donc dieu existe ». Tout ce raisonnement tombe dans le même travers que celui qu'on a relevé dans le cas de Zénon.
[XXVI] Quid enim sit melius, quid praestabilius, quid inter naturam et rationem intersit, non distinguitur. Idemque, si dei non sint, negat esse in omni natura quicquam homine melius ; id autem putare quemquam hominem, nihil homine esse melius, summae adrogantiae censet esse. Sit sane adrogantis pluris se putare quam mundum ; at illud non modo non adrogantis, sed potius prudentis, intellegere se habere sensum et rationem, haec eadem Orionem et Caniculam non habere. Et « Si domus pulchra sit, intellegamus eam dominis », inquit, « aedificatam esse, non muribus ; sic igitur mundum deorum domum existimare debemus ». Ita prorsus existimarem, si illum aedificatum, non, quemadmodum docebo, a natura conformatum putarem.
[26] On ne définit pas ce que signifient « meilleur » ou « supérieur », ni la distinction entre nature et raison. En outre Chrysippe affirme que, si les dieux n'existaient pas, rien, dans toute la nature, ne serait supérieur à l'homme ; or il dit aussi que, pour un homme, penser que rien n'est supérieur à l'homme, est le comble de l'arrogance. Admettons que s'estimer supérieur au monde soit un signe d'arrogance : mais savoir que l'on possède sensibilité et raison, et qu'Orion et Chien en sont dépourvus, ne relève pas de l'arrogance mais plutôt du bon sens. Il ajoute : « si une maison est belle, nous comprenons qu'elle a été construite pour le propriétaire, pas pour les rats ; de manière analogue, nous devons donc penser que le monde est la demeure des dieux ». Je serais sûrement de cet avis, si je pensais que le monde est une construction, et non une formation naturelle, comme je le démontrerai.
Commentaires d'Ugo Bratelli
Paragraphe 4
Les deux choix que Cotta propose renvoient aux deux méthodes classiques d'exposition de la pensée philosophique :
- celle de Platon, fondée sur le contraste dialectique entre les différentes positions ;
- celle d'Aristote, fondée sur l'exposition continue et directe.
Paragraphe 5
Tibérius Coruncanius, consul en 280 av. J.-C., fut le premier plébéien à devenir grand pontife (vers 254).
Publius Mucius Scévola fut consul en 133 av. J.-C. et grand pontife en 130.
On retrouve Caius Lélius dans le De Amicitia.
Le tribun Licinius Crassus voulait accorder aux comices – vote populaire – le droit de désigner les membres du collège sacerdotal et des décemvirs. Lélius s'y opposait dans le discours dont il est fait mention ici.
Les interprètes de la Sibylle sont les membres du collège des quindicemvirs. De deux à l'origine, les membres du collège des interpretes Sibyllae passèrent à dix, puis à quinze. À l'époque impériale, leur nombre augmenta encore.
Numa Pompilius passe pour l'organisateur de la religion romaine.
Paragraphe 11
Les fils de Tyndare sont Castor et Pollux, aussi appelés Tyndarides.
Paragraphe 13
Aulus Postumius a consacré au forum un temple à Castor et Pollux en 484 av. J.-C.
Paragraphe 14
Les tablettes sont des sortes, c'est-à-dire de petits morceaux de bois, sur lesquels on avait gravé des lettres ou des vers, et qui étaient jetés ensuite dans une urne. On les retirait pour prendre les auspices.
Paragraphe 15
Dans une guerre contre les Latins (499 av. J.-C.), l'oracle avait répondu que l'armée dont le général se dévouerait aux dieux mêmes remporterait la victoire. Décius donna sa vie et l'armée romaine vainquit.
Le « faune » devait trouver sa référence dans la lacune mentionnée plus haut.
Paragraphe 24
L'Euripe de Chalcis est un détroit, entre l'Eubée et le continent. Selon les Anciens, son courant changeait de direction sept fois par jour. Il était au moins aussi connu que le détroit de Messine.
L'Europe et la Libye sont séparées par le détroit de Gibraltar.
La fièvre est en fait Febris, divinisée à Rome, qui avait une fonction apotropaïque.
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