Voici un passage de la Genèse dans la traduction de Tremellius :
Nam quum formavisset Iehova Deus e terra omnes bestias agri, omnesque volucres coeli, et adduxisset ad Adamum ut videret qui vocaret singulas (etenim quocumque nomine vocavit illas Adam, animantem quamque ; id nomen ejus est).
Lorsque Dieu eut formé de la terre toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, et qu'il les eut amenés à Adam pour voir comment il nommerait chacune (en effet, quel que soit le nom dont Adam les appela, son nom est « être vivant »).
À titre de comparaison, voici la version de la Vulgate, plus claire, mais le sens n'est pas exactement le même :
Formatis igitur Dominus Deus de humo cunctis animantibus terrae et universis volatilibus caeli adduxit ea ad Adam ut videret quid vocaret ea ; omne enim quod vocavit Adam animae viventis ipsum est nomen eius.
Pour comparer avec ces deux versions, une traduction du XVIe siècle (Bartholomy de Graue, Louvain, 1550) souligne le fait que la parenthèse fait ressortir la difficulté de traduction d'une phrase probablement probablement issue d'une glose.
« Quand donc tous les animaulx de la terre furent formez de la terre, & toutes les volailles du ciel, le Seigneur Dieu les amena à Adam, à fin qu'il veit comment il les appeleroit. Car toute chofe ayant une ame viuante, que Adam nomma : ce mefme, eft fon nom. Et Adam nomma par leurs noms tous animaux, & toute volaille du ciel, & toutes beftes de la terre. Mais aide n'eftoit point trouué à Adam, femblable à luy. Le Seigneur Dieu dõc enuoia le fommeil en Adam. »
Quant à la version grecque, cela donne :
La question est de savoir si Adam nomme les animaux « êtres vivants » comme lui, ou si l'auteur rappelle seulement que ces animaux sont, à la base, des êtres vivants comme lui, avant de recevoir leur nom. Mais on pourrait aussi y voir un problème quasi philosophique que l'on retrouve exposé dans le Cratyle de Platon, et aussi illustré dans les pratiques religieuses de l'Égypte pharaonique, où il suffisait de nommer un être ou une chose pour qu'elle existât pour l'homme, lui-même objet de Dieu ; sans nom, pas d'existence matérielle, ni même spirituelle. Les Égyptiens effaçaient les noms gravés sur les monuments pour leur ôter toute vie dans l'au-delà.
N'est-ce pas plutôt que, si les mots signifient quelque chose pour nous lorsque nous les entendons, c'est parce qu'ils renvoient aux choses qu'ils désignent naturellement ? Les mots ne seraient en fait ni significatifs par nature (Cratyle), ni significatifs par convention (Hermogène), mais seule l'essence des choses, c'est-à-dire leur éidétique, donne une signification aux mots qui leur sont « collés comme des étiquettes », et non les choses elles-mêmes (Socrate).
Le terme « Adam » ne désigne cependant pas le personnage lui-même. Il pourrait être pris comme un mot collectif désignant le genre humain, à l'image de « homo » ou de « anthrôpos » / « brotos » / « thnêtos ». Il ne faut pas oublier que, dans la symbolique biblique, l'adam désigne d'abord la matière brute – un peu comme la glaise prométhéenne – à laquelle Dieu donne une forme semblable à une image de lui-même. C'est par la suite que le genre humain est représenté dans son existence laborieuse sur la terre dont il tire matière et subsistance avec les autres vivants – « animantem quamque » – que sont les animaux. L'adam n'est alors que matière et ne devient homme vivant que façonné par Dieu et animé par son souffle, son esprit.
En effet de quelque nom que les appela Adam, et pour chaque animal ; le nom vient de lui. Ejus renvoie à Adam, celui qui possède et donne le nom des animaux.
Dieu présente les animaux à Adam afin qu'il leur donne un nom, ce qu'explique la parenthèse. En effet, c'est un dieu qui nomme le firmament « ciel », le continent « terre », l'amas des eaux « mer », etc. et apparemment c'est Adam qui doit s'y coller pour donner des noms aux animaux. Il n'appelle pas tous les animaux « être animé » mais il donne à chaque être animé un nom. D'où ce ejus est qui fait d'Adam non seulement celui qui nomme mais celui qui possède. En donnant un nom à chaque bête, Adam les possède.
Imaginons Cicéron devant une anima vivens ! Superbe tautologie ! Est-ce une âme vivante ; qu'est-ce qu'une âme morte ? ou d'une âme d'un vivant ? La traduction la moins bizarre donne : « Car chaque (nom) qu'Adam donna d'une âme vivante (d'un être vivant), ce nom même est de lui. »
Caligula, Iulius, Lucien de Luca, Métrodre et Pierre Salat.
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