Sina et la Chine

Le plaisir des langues anciennes ressort aussi à travers des petites truculences qui y sont rattachées.
 

Dans son Projet de paix perpétuelle, Kant écrit une note sur le nom « Chine », à la fin du troisième article de la deuxième section. La traduction de J. Gibelin est :

« Pour écrire le nom de ce grand empire, comme il se le donne lui-même (à savoir Chine et non Sine ou quelque autre vocable similaire), il suffit de consulter Georgii, Alphab. Tibet p. 651-654, notamment la note b au bas. À vrai dire, suivant la remarque du professeur petersbourgeois Fischer, la Chine ne porte pas de nom déterminé par lequel elle se désigne elle-même, le nom le plus courant est encore l'appellation Kin qui veut dire or (terme que les Thibétains rendent pas Ser), c'est pourquoi l'empereur est appelé roi de l'Or (du plus beau pays du monde) ; il se peut bien que dans l'empire ce mot se prononce Chin, mais les missionnaires italiens l'ont sans doute prononcé Kin (à cause de la gutturale). On voit par là que le pays appelé par les Romains pays des Sères était la Chine, mais que la soie fut importée en Europe en passant par le Grand Tibet (sans doute à travers le Petit Tibet et la Boukharie, par delà la Perse, etc.) ce qui nous conduit à faire maintes réflexions sur l'antiquité de cet étrange État comparé à l'Hindoustan, et rattaché au Tibet, et par là au Japon ; alors que le nom de Sine ou Tchine que, dit-on, les voisins donnent à ce pays, ne conduit à aucun résultat. – Peut-être aussi que l'antique rapport de l'Europe avec le Tibet, qui ne fut jamais bien connu, peut s'expliquer par ce que Hesychius nous en a conservé, à savoir l'appel Konx Ompax de l'Hiérophante dans les Mystères d'Éleusis (cf. Voyage du jeune Anacharsis, cinquième partie, p. 447 sq.). »

Pour les Sères, « si » signifie « soie » en chinois, ce qui expliquerait sûrement le terme. La « Serica » est le pays de la soie pour les Romains. Et Jin (dynastie de 1115 à 1234) signifie l'or. « Sin » semble aussi un apport de l'arabe où il signifie similairement porcelaine.

Dans l'Encyclopédie du XIXe Siècle en vingt volumes, troisième édition, Paris, 1867, il est écrit au mot « Chine » : « Les anciens connurent la Chine sous le nom de Sérique, nom tartare de la soie qui leur venait de ce pays. Ils appelèrent plus tard les Chinois Sinae, du nom du royaume occidental de Thsin (aujourd'hui Chen-Si), d'où ils tiraient la soie. De là sont venus les noms de Tchina, de Tsinistan, et enfin de Chine. »

Notons enfin qu'un passage d'Ammien Marcellin (XXIII, 6, 64) prouve qu'au IVe siècle, les Romains connaissaient la muraille de Chine :

Ultra haec utriusque Scythiae loca, contra orientalem plagam in orbis speciem consertae, celsorum aggerum summitates ambiunt Seras...

Au-delà de ces territoires des deux Scythies, vers l'est formées en cercle les hauteurs de hautes terrasses entourent les Chinois...

Les Romains appelaient les Chinois Seres, d'où ils font venir serica, la soie. À cette époque, les Romains importaient la soie de Chine mais pas directement puisque les Perses en assuraient la venue vers la Méditerranée. Les Romains recevaient la soie grâce aux caravanes de Palmyre qui traitaient directement avec les Perses.

Caligula, Didier Maistre, Iulius et Jean-Victor Gruat répondant à une question de Piêmni.

 

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