Le terme « palindrome » – palin drómos, c'est-à-dire « en retour » et « course » – signifie étymologiquement « nouvelle course », ce qui indique que le palindrome peut aussi bien se lire de gauche à droite que de droite à gauche : le sens de parcours est indifférent.
Voyons tout d'abord quelques exemples de palindromes latins, qu'il sera bien évidemment impossible de rendre en français par des palindromes !
In girum imus nocte et consumimur igni.
C'est-à-dire « nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu ».
Signa te, signa te tenere me tangis et angis
Roma tibi subito motibus ibit amor.Soit « Tout doux, signe-toi, signe-toi, tu me serres et m'étrangles,
À Rome, l'amour ira aussitôt vers toi ».
Les vers de ce distique seraient attribués au Diable selon Tabourot des Accords dans ses Bigarrures. Nous comprenons que si le saint assis sur les épaules du Diable, auquel celui-ci s'adresse, se signe, il devra lâcher le cou qu'il étranglait. L'amour dont il est question est celui de la ferveur populaire romaine qui serait ravie si le Diable trépassait ainsi.
Marie Stuart était ablata at alba, c'est-à-dire « innocente mais tuée », si bien qu'elle a désormais dépassé les animi limina.
Henri Tournier nous a même rapporté des photographies de palindromes lorsqu'il est allé dans l'Église de Corps en Isère. Deux bénitiers sont situés de part et d'autre de la nef, juste devant le premier pilier. La pierre semble être du marbre rose sommairement poli, peut-être de la pierre de Chabrières. Sur les quatre faces du bénitier du côté droit, une inscription est lisible. Toutefois, il est relativement difficile de prendre en photo certaines faces. C'est la raison pour laquelle seules les faces ouest et sud sont respectivement proposées :
La face ouest contient l'inscription ANOMHMATA tandis que la face sud contient MH MONAN. Le palindrome complet se lit « nipson anomêmata mê monan opsin » :
Cela signifie « lave mes péchés et non mes seuls yeux » et donne, avec les accents et les esprits :
Néanmoins, dans cette inscription, bien que cela ne se voie pas sur les faces présentées, celui qui grava la pierre confondit les lettres « phi » et « psi ». Il est certes vrai que la confusion était jadis fréquente.
En fait, ce palindrome est inscrit dans de nombreuses églises grecques où la grâce baptismale est donnée. On le retrouve aussi gravé sur une fontaine devant l'Église de Sainte-Sophie à Constantinople.
Le palindrome parfait ci-dessus, tant vertical qu'horizontal, fut trouvé lors de fouilles à Pompéi, ensevelie par l'éruption du Vésuve en l'an 79 après Jésus-Christ.
Ce même palindrome fut trouvé dans des sites archéologiques en Angleterre et en Mésopotamie, ainsi que sur une amulette du Colisée découverte à Lyon.
Il est aussi intéressant de remarquer qu'il existe des vers dits « anacycliques » – littéralement retournés en sens inverse – qui peuvent se lire dans les deux sens, mais mot par mot. Une nuance est alors introduite suivant le sens de lecture. Par exemple :
Praecipit modo quod decurrit tempore flumen
Tempore consumptum iam cito deficiet.Le fleuve qui, durant un temps, court de façon précipitée, en un temps bientôt s'évanouira épuisé.
Deficiet cito iam consumptum tempore flumen
Tempore decurrit quod modo praecipit.En un temps bientôt épuisé s'évanouira le fleuve qui, durant un temps, court de façon précipitée.
Léon Gozlan rapporte même que nombreux furent les moines qui perdirent la raison en cherchant des anacycliques. C'est comme vouloir penser sans mots, comme le médecin et magnétiseur allemand Franz Anton Mezmer le tenta une fois, l'amenant presque à la « manie délirante » aux dires de Hegel.
N'oublions pas que c'est au Moyen-Âge que fut renversée Eua en Aue afin de mieux souligner que le salut à la Vierge, l'Aue Maria, rachète le péché originel d'Ève. Et cela ne va pas sans faire penser, puisque nous parlons de jeux de mots, au célébrissime rébus signé par Cicéron au terme d'une de ses lettres : mitto tibi nauem prora puppique carentem. Ce bateau, sans proue ni poupe n'est rien d'autre que le nauem, sans « n » ni « m », donc l'aue.
NOLI | OMNIA QVAE | QVIA QVI | OMNIA QVAE | SAEPE | QVOD |
---|---|---|---|---|---|
DICERE | SCIS | DICIT | SCIT | AVDIT | NON VOLT |
FACERE | POTES | FACIT | POTEST | INCVRRIT | NON CREDIT |
CREDERE | AVDIS | CREDIT | AVDIT | CREDIT | NON EST |
DARE | HABES | DAT | HABET | MISERE QVAERIT | NON HABET |
IVDICARE | VIDES | IVDICAT | VIDET | CONTEMNIT | NON DEBET |
Les cinq maximes, telles les injonctions kantiennes, sont :
Deux rébus latins très connus, notamment le deuxième.
O | QVID | TVAE |
BE | EST | BIAE |
RA | RAM | ||
RA | ES ET IN | RAM | II |
RA | RAM |
Et un petit jeu de découpage.
Il s'agit de découper le rectangle ci-dessus en trois parties de manière à obtenir trois morceaux qui, en les recombinant, reforment un rectangle comprenant encore des mots latins. Nous remarquons un petit fait amusant : dans la solution, il n'y a plus que sept mots !
Une anagramme classique est :
— Quid est ueritas ?
— Est uir qui adest.— Quelle est la vérité ?
— L'homme en face de toi.
La phrase à double sens porta patens esto nulli claudaris honesto signifie :
« Porte, sois ouverte et jamais ne te ferme à l'honnête homme »
ou « Porte, ne sois ouverte à personne [et surtout] sois fermée à l'honnête homme ».
En espérant que « Sète sonne en nos étés », concluons ces petites truculences sur une petite définition : « Etna, lave dévalante ».
Denis Liégeois, Félicia, Henri Tournier, Iulius, Périclès, Siva Nataraja et Yves Ouvrard.
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