L'Ouverture (Al-Fâtiha)

Document PDF à téléchargerVous trouverez sur ces pages quelques éléments de réflexions spirituelles sur les sourates du saint Coran. Pour plus d'informations sur les raisons qui m'ont poussé à les rédiger ainsi que sur l'optique dans laquelle il faut les lire, merci de consulter l'avant-propos de ce document.
 

Voici la première sourate du Coran : Al-Fâtiha, appelée « L'Ouverture », « Le Prologue », « La Liminaire » ou encore « La Prémunissante ». Cette « sourate de la Louange » (sûrat al-Hamd) qui constitue le « Fondement du Coran » (Asâs al-Qur'ân) contient « les Sept répétés » (As-Sab` al-Mathânî) puisqu'elle est composée de sept versets qui sont essentiels, répétés chaque jour à plusieurs reprises dans les prières, et dont la teneur reviendra fréquemment tout au long du Rappel. « Mère [La « mère » désigne tout ce qui rassemble ou qui est à l'avant. D'après At-Tabarî, les Arabes appellent « mère de la tête » la peau qui maintient le cerveau. Notons qu'en français, la dure-mère est la plus extérieure et la plus forte des trois membranes qui enveloppent l'encéphale et la moelle épinière, la pie-mère est la plus interne et la plus fine tandis qu'entre les deux se trouve l'arachnoïde.] du Livre » (Umm al-Kitâb), elle serait aussi la première sourate à être descendue entière.

Étant donné l'éminente importance de cette sourate et sa situation en incipit, je la cite en entier :

 

1. Au nom de Dieu, le Tout miséricorde, le Miséricordieux ﴾۱﴿ بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ
2. Louange à Dieu, Seigneur des univers ﴾۲﴿ الْحَمْدُ لِلَّهِ رَبِّ الْعَالَمِينَ
3. le Tout miséricorde, le Miséricordieux ﴾۳﴿ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ
4. le roi du Jour de l'allégeance. ﴾۴﴿ مَالِكِ يَوْمِ الدِّينِ
5. C'est Toi que nous adorons, Toi de qui le secours implorons. ﴾۵﴿ إِيَّاكَ نَعْبُدُ وَإِيَّاكَ نَسْتَعِينُ
6. Guide-nous sur la voie de rectitude ﴾۶﴿ اهْدِنَا الصِّرَاطَ الْمُسْتَقِيمَ
7. la voie de ceux que Tu as gratifiés, non pas celle des réprouvés, non plus que de ceux qui s'égarent. ﴾۷﴿ صِرَاطَ الَّذِينَ أَنْعَمْتَ عَلَيْهِمْ غَيْرِ الْمَغْضُوبِ عَلَيْهِمْ وَلَا الضَّالِّينَ

 

D'une extrême concision sonore, ces sept versets n'en possèdent pas moins une grande portée par leurs concepts avancés. Lors d'une récitation, ils sont usuellement conclus par âmîn (« ainsi soit-il ») afin d'obtenir l'assentiment de Dieu.

Al-Fâtiha est l'élément central de la prière musulmane, tout comme Sh'ma Yisroel (« Écoute, Israël ») dans la prière juive et « Notre Père » dans la prière chrétienne. La réciter fait naître dans son cœur un très fort désir de chercher guidance auprès de Dieu, sachant que Lui seul, le Seigneur des univers, peut la donner. Et la réponse à cette requête d'être miraculeusement apportée par toutes les autres sourates du saint Coran !

La basmala

La basmala est le nom formé à partir de la racine sémitique quadrilitère bsml issue de la prononciation du début du premier verset : bismil-lâhir-Rahmânir-Rahîm.

Cette première sourate est la seule qui contient dans son texte cette formule introductive, comme nous l'avons déjà vu plus haut dans de ce document. Le trentième verset de la sourate xxvii « Les Fourmis » (An-Naml) contient aussi la basmala en introduction d'une lettre de Salomon.

Dieu est le nom du Maître, Béni et Transcendant. C'est le nom le plus sublime qui existe et il possède les plus beaux noms. D'ailleurs, Allâh est un nom considéré comme non dérivé et qui ne désigne personne d'autre que Dieu l'Unique qui n'a engendré ni a été engendré.

Ibn Kathîr précise que l'expression « au nom de Dieu » signifie « au nom de Dieu est mon commencement en » : tout acte doit en effet avoir une origine et citer le nom de Dieu avant que d'entamer quoi que ce soit permet d'en gagner Ses bénédictions et d'être assisté jusqu'à ce que la tâche soit accomplie, s'Il l'agrée.

La miséricorde de Dieu

La miséricorde (rahma) est la bonté par laquelle Dieu fait grâce aux hommes, aux pécheurs. L'étymologie latine du mot souligne le fait d'avoir pitié (misereo) au fond de son cœur (cor, cordis) ; pour un homme, la miséricorde est donc le sentiment par lequel la misère d'autrui lui touche le cœur.

Les deux épithètes divins rahmân et rahîm sont à distinguer selon Ibn Qayyim : le premier porte une suggestion intensive et ponctuelle (« le Tout miséricorde », voire « le Plus miséricorde » par l'abondance de Sa grâce) tandis que le second introduit une nuance de durée et d'activité (« le Miséricordieux », voire « le Dispenseur de miséricorde » pour souligner la manifestation active de Dieu dans notre quotidien).

Ibn Jarîr stipule que Dieu est « Tout miséricorde » pour l'ensemble des créatures mais qu'il n'est « Miséricordieux » que pour les croyants. L'attribut de « Tout miséricorde » est exclusif à Dieu, ce qui fait que nous pouvons aussi L'appeler ainsi, tandis que Ses autres attributs, y compris « Miséricordieux », sont parfois employés pour qualifier d'autres personnes et ne peuvent donc pas désigner explicitement Dieu l'Unique.

La souveraineté de Dieu

Bien qu'empli de miséricorde, de compassion et d'amour affectueux, Dieu n'en est pas moins souverain sur Sa création et il exerce Sa souveraineté (rubûbîya) à plusieurs moments. Il est le créateur de l'univers, le seul pouvoir qui peut réellement guider l'homme et l'aider, la seule source de toute miséricorde et Celui devant qui l'homme sera responsable le jour de sa mort. L'allégeance [L'épithète de Dieu Al-Dayyân est synonyme d'Al-Qahhâr « le Dominateur ».] (al-dîn) signifie la manifestation de notre soumission et c'est sur notre obéissance et notre fidélité à Dieu durant notre vie que nous seront jugés.

Le règne de Dieu

Les univers désignent tout ce qui existe sauf Dieu. Le terme de Seigneur (rabb) a un sens très complexe puisqu'il englobe les trois idées de possession et de source ultime d'autorité qui gère et protège tout de son commencement jusqu'à son achèvement. C'est un rôle similaire à celui du « maître de la maison » (rabb ad-dâr) qui s'occupe de la gérance et de l'entretien de toute sa famille ; sa femme est aussi la « maîtresse de la maison » (rabbat ad-dâr).

Il est intéressant de noter que la dernière sourate « Les Hommes » (An-Nâs) appelle Dieu « le Seigneur des hommes » ; le Coran commence donc au niveau cosmologique et se conclut au niveau anthropologique. Soulignons d'ailleurs que la racine sémitique rhm présente dans la miséricorde évoque aussi la relation de Dieu avec les humains puisque rahim, avec un i court, est l'utérus – d'où la traduction de la basmala « Au nom d'Allâh, le Matriciant, le Matriciel » par André Chouraqui – et silat al-rahim la solidarité consanguine.

Le Jour de la rétribution

Dieu étant le roi de ce Jour, personne ne pourra alors prétendre à quelque chose ni parler sans qu'Il l'y autorise. C'est le Jour du jugement et des rétributions en fonction de ses œuvres : aux bel-agissants du bien, aux autres du mal excepté ceux à qui Il pardonnera. Dieu se comporte toujours de façon juste et équitable dans Son jugement.

L'adoration de Dieu

Notons que cette sourate contient le schéma très classique de la crainte de Dieu (le Seigneur, Celui qui nous jugera) juxtaposée à Son adoration (louanges et soumission) et le sentiment de plénitude conférée par Sa miséricorde.

Après l'adoration indirecte par des louanges adressées « à Lui » au début de la sourate, l'adorateur se rapproche « de Toi » en changeant de personne par le procédé rhétorique classique dans le Coran de l'iltifât.

Nos adorations doivent être adressées uniquement à Lui, Dieu l'Unique, et nous devons ne nous en remettre qu'à Lui pour obtenir Son secours – nous L'implorons à cause de notre faillibilité que nous avouons à travers ce cinquième verset.

Il n'existe aucun dieu en dehors de Dieu.

La guidance de Dieu

Lorsque nous demandons à Dieu de nous guider sur la voie de rectitude de ceux qu'Il avait gratifiés, il est question de la voie des anges, des prophètes, des hommes véridiques, des martyrs (suhadâ) et des saints, d'après la vision généraliste d'Ibn `Abbâs. C'est le chemin qui a toujours été montré par Dieu et qui a toujours apporté des bienfaits à ceux qui le suivaient.

Après avoir loué Dieu, mais seulement après, il est possible de faire une injonction et de Lui demander ce dont nous avons besoin, à savoir ici Sa guidance.

Il faut bien se rendre compte que c'est la constance de l'assiduité à louer Dieu qui est vitale pour qu'Il accorde Sa miséricorde. Il est en effet vain de ne jamais Le louer si ce n'est lorsque nous avons besoin de Lui. Il ne faut pas attendre d'être dans le besoin pour Lui montrer notre reconnaissance totale ; bien au contraire, c'est tous les jours que nous devons Le remercier des innombrables bienfaits qu'Il nous octroie dans la vie.

Qui aime bien châtie bien

Ce proverbe populaire signifie que l'on a une affection éclairée pour celui que l'on reprend et que l'on avertit de ses fautes. C'est ce que Dieu fait lorsqu'Il rappelle à l'ordre un croyant, dans Son sentiment de miséricorde. À nous la charge de nous amender pour revenir dans Son chemin.

Les dénégateurs

Le véritable châtiment de Dieu ne touche que ceux qui rejettent délibérément Sa parole, de leur propre volonté, après l'avoir entendue et comprise. Ces personnes-là, qui dénient, sont les réprouvés et perdent la miséricorde de Dieu en faisant le choix, en toute connaissance de cause, de rejeter Son message et de s'en détourner.

Quant aux personnes qui eurent jadis la connaissance mais qui s'en égarèrent, elles perdirent le droit chemin et errent désormais sans pouvoir bien se guider. Seul Dieu détient la guidance et l'égarement car quiconque Dieu égare ne trouvera point de guide. Et il n'existe pas de meilleure gratitude que celle reçue de Dieu ; le refuge n'est en tout cas guère celui de Satan le lapidé qui fourvoie l'homme à l'envi et sur qui nul ne peut compter.

Une analogie avec le Psautier

Il est remarquable de constater que nous retrouvons ces trois catégories de personnes (les justes, les réprouvés et les égarés) dans le premier psaume de la Bible. Le livre des Psaumes s'appelle d'ailleurs aussi le recueil des Louanges !

 

1. Heureux l'homme qui ne marche pas selon les conseils des méchants,
qui ne va pas se tenir sur le chemin des pécheurs,
qui ne s'assied pas en compagnie des moqueurs.
2. Toute sa joie il la met dans la Loi de l'Éternel
qu'il médite jour et nuit.
3. Il prospère comme un arbre planté près d'un courant d'eau ;
il donne toujours son fruit lorsqu'en revient la saison.
Son feuillage est toujours vert ;
tout ce qu'il fait réussit.
4. Tel n'est pas le cas des méchants :
ils sont pareils à la paille éparpillée par le vent.
5. Aussi, lors du jugement, ils ne subsisteront pas,
et nul pécheur ne tiendra au rassemblement des justes.
6. Car l'Éternel veille sur la voie des justes ;
mais le sentier des méchants les mène à la ruine.

 

Les moqueurs sont les réprouvés, à savoir les rebelles aux enseignements et qui méprisent ceux qui prennent au sérieux les lois et ordonnances du Seigneur. Les pécheurs sont les égarés.

Un peu de terminologie

Un premier point qui mérite quelques recherches et éclaircissements pour comprendre précisément de quoi nous parlons est celui de la terminologie française utilisée. Voici une liste de mots non exhaustive qu'il convient de définir pour parler de religion :

Pour les musulmans, les roumis sont les chrétiens (de l'arabe rûmîy, singulier de rûm).

Pour les Turcs, les giaours sont les non-musulmans ; ce terme turc contient cependant une idée de mépris et provient du persan ghebr [Les guèbres sont les personnes attachées à l'ancienne religion zoroastrienne de la Perse.].

 

↑ Retour au haut de cette page

Pages connexes
  • L'Ouverture (Al-Fâtiha)

← Retour au menu précédent